Chronique

Yuval Amihai

I Ain’t Got Nothing But The Blues

Yuval Amihai (g), Damien Varaillon (b), Gautier Garrigue (dms) + Hermon Mehari (tp), Amit Friedman (ts).

Label / Distribution : Fresh Sound Records

Troisième volet des aventures discographiques de Yuval Amihai, I Ain’t Got Nothing But The Blues est une confirmation autant qu’une affirmation. Le guitariste avait su séduire tant sur son premier album paru en 2012 que sur Longing, trois ans plus tard. Chez lui, le jazz – qu’il voudrait universel et surtout pas « propriété d’une chapelle de spécialistes » – n’est jamais démonstratif, il suggère et souffle ses mélodies au creux de l’oreille plus qu’il n’assène. Vous pourrez toujours aller voir ailleurs pour vous repaître de grands effets de manches. Ce qui n’empêche pas Amihai, tant s’en faut, d’être l’un des plus séduisants avocats de son instrument de prédilection, spécialement fabriqué par un luthier new-yorkais. En 2018, on retrouve tous les ingrédients qui donnaient le la de son univers feutré, « le chant de son enfance en Israël et cette musique qu’il aime par-delà les frontières et qui le nourrit depuis toujours, ce jazz puisé aux sources de l’Amérique ». Fluidité, limpidité, sérénité, subtilement portées grâce à la complicité de deux compagnons de route déjà présents sur Longing : Damien Varaillon à la contrebasse et Gautier Garrigue à la batterie, une rythmique dont la souplesse est le subtil vecteur des confidences du guitariste.

Yuval Amihai a élaboré pour ce nouveau disque un répertoire où se côtoient des standards (Duke Ellington, Michel Legrand, Oliver Nelson, Rodgers & Hart ou Keith Jarrett), une berceuse qui pourrait être celle de son enfance (« Pizmon La Yakinton »), un thème aux accents méditatifs de William Henry Monk (« Abide With Me ») et des compositions personnelles écrivant en creux l’histoire de sa vie, et dont les accents sont parfois methenyens (« Old New Song ») voire mélancoliques (« Eviatar »). Et pour ajouter d’autres couleurs à une musique qui n’en manque pourtant pas, il a fait appel sur trois titres au lyrisme ensoleillé de Hermon Mehari (trompette) et Amit Friedman (saxophone). L’équilibre est vite trouvé, dans un balancement tranquille, comme s’il s’agissait de rappeler que le prix de la vie est aussi celui du temps qu’on s’accorde à s’arrêter un peu.

En toute discrétion et, redisons-le, sans la moindre ostentation, I Ain’t Got Nothing But The Blues est un disque de l’émerveillement, celui d’un musicien qui veut toucher au plus près du cœur celles et ceux qui viendront à la rencontre de son chant. Yuval Amihai y parvient parfaitement, pour notre plus grand plaisir.