Chronique

Atomic

Pet Variations

Ingebrigt Håker Flaten (b), Hans Hulbækmo (dm), Håvard Wiik (p), Fredrik Ljungkvist (s et cla), Magnus Broo (tp)

Label / Distribution : Odin Records

Ce quatorzième disque en vingt ans d’existence de la formation scandinave Atomic n’a pas besoin de faire dans la surenchère démonstrative. D’autant plus pour ce groupe adepte d’un free jazz revigorant et chaleureux venu de contrées non seulement froides mais surtout trop souvent caricaturées par une esthétique aseptisée et glacée chère au catalogue ECM. Depuis leur début, en effet, le quintet s’évertue à redonner une actualité à cette musique venue des années 60 et crée un gros volume sonore à partir d’interventions bruyantes qui se téléscopent avec entrain.

Travaillant néanmoins des architectures compositionnelles signées du saxophoniste suédois Frederik Ljungkist et du pianiste norvégien Håvar Wiik qui permettent de donner une implacable efficacité aux morceaux, Atomic propose aujourd’hui un répertoire hommage tiré de compositeurs qui constituent son arrière-plan d’influences. Edgar Varèse et Olivier Messiaen, et jusqu’à Brian Wilson des Beach Boys, sont les marqueurs de l’éclectisme du groupe. Ils viennent agrémenter un jazz plus “traditionnel” représenté par Steve Lacy, Carla Bley, Jimmy Giuffre ou Alexander von Schlippenbach - le régional de l’étape étant ici représenté par Jan Garbarek.

Et qu’entend-on ? La capacité de cette formation à investir des territoires qui ne sont pas les siens comme si elle les avait toujours habités - mieux : comme si elle en était constituante. Le piano fébrile que rien ne calme autour de la basse houleuse de Ingebrigt Håker Flaten, la batterie de Hans Hulbækmo embrasée en un foyer d’étincelles, sont la marque et les fondements du groupe. Par-dessus, les soufflants mêlent leurs timbres avec soin dans une complémentarité qui n’est pas uniquement bruitiste. Ménageant des respirations, ils créent une tension efficace entre énergie et narration.

En réorganisant régulièrement les configurations internes (duos de la basse avec la trompette de Magnus Broo ou saxophone/batterie), ils renouvellent même l’attention et donnent ainsi des interprétations personnelles des compositions. Mélancolie grise pour celle de Lacy ou texture riche pour Varèse, jusqu’au houleux et euphorisant titre de Schlippenbach : mieux qu’un savoir-faire, Atomic est le moteur idéal pour visiter toutes les musiques.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 12 mai 2019
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