Chronique

The Bureau Of Atomic Tourism

Eden

Jon Irabagon (s), Magnus Broo (tp), Jozef Dumoulin (Fender Rhodes, Casio), Julien Desprez (g), Ingebrigt Håker Flaten (b), Teun Verbruggen (dm)

Label / Distribution : RAT Records

Capable, comme accompagnateur, du grand écart entre Jeff Neve et Keiji Haino, le batteur belge Teun Verbruggen a toutefois un goût appuyé pour les musiques radicales. Pour preuve le groupe The Bureau Of Atomic Tourism (B.O.A.T.) qu’il conduit depuis 2011 avec un line-up variable et toujours flamboyant sur les cinq disques de sa discographie. Constitué au début d’Andrew d’Angelo, Nate Wooley, Marc Ducret et Trevor Duun, le Bureau a développé un son qui lui est propre et revient aujourd’hui aux affaires avec une équipe renouvelée qui reste fidèle au cahier des charges initial.

S’affranchissant des codes les plus étroits au bénéfice d’un melting-pot d’où émerge une appétence pour un post-free qui rappelle le John Zorn des années 80, le groupe se jette à corps perdu dans des maelstroms houleux qui recherchent la surenchère et une violence sonore proche des tensions du rock. En visant l’efficacité, l’arrivée de Jon Irabagon et Julien Desprez confère d’ailleurs une nouvelle épaisseur à des masses gonflées en mouvement perpétuel. Traversant quelques grooves sales et des moments bruitistes, le sextet évolue, en effet, par accumulation de strates d’où ressort parfois la trompette savamment articulée de Magnus Broo (membre par ailleurs de la formation suédoise Atomic). La basse lourde de Ingebrigt Håker Flaten (membre lui aussi de Atomic) joue, quant à elle, la confrontation avec la batterie incandescente de Verbruggen et les claviers organiques de Jozef Dumoulin.

Seul musicien à participer à l’aventure depuis les débuts, ce dernier signe ici tous les titres et donne à ce groupe une dimension plus subtile que celle d’une bande de sauvageons du son (efficace certes mais sans doute un peu vaine). Les jalons compositionnels donnent beaucoup de liberté aux improvisateurs et cadrent les enthousiasmes en les remobilisant à intervalles réguliers. Les morceaux prennent ainsi la forme de collages et d’accrochages qui ouvrent large la palette d’expressivité. Des petites cellules entêtantes et des mélodies immédiates jaillissent de la masse pour s’y camoufler à nouveau dans des ambiances pop ou électriques et font de ce disque un jeu pictural aux aplats puissants ou aux croquis naïfs mais toujours d’une stimulante complexité.