Paavo
Cançó del Paó
Sofia Jernberg (voc), Cecilia Persson (p), Nils Berg (ts, bcl), Thomas Backman (cl, saxes), Pierre-Antoine Badaroux (saxes), Jonas Knutsson (as, bs), Alberto Pinton (cl, bs), Emil Strandberg (tp), Clas Lassbo (b), Gustav Nahlin (dm, vib, glockenspiel), Frederik Ljungkvist (bs)
Label / Distribution : Found You Recordings
Paavo, groupe né en Suède il y a quatre ans, a récemment étendu ses horizons à l’occasion de son deuxième album, Cançó del Paó (Chansons du paon), conçu à l’origine pour être la bande son d’une pièce de théâtre créée à Barcelone.
Paavo avec deux a, donc, mais quelques écoutes attentives devraient convaincre le plus obtus des analystes qu’un triple A conviendrait davantage.
Étalé en toutes lettres sur un scrabble, Paavo ne donne que 10 points (en France, 11 en Suède). Score honorable, sans plus, en tous cas pas à la mesure d’un groupe semblant s’adonner sans retenue aux jeux de lettres et de mots.
À commencer par une pochette sur laquelle s’étalent de serpentine manière des lignes de mots plus entrelacés que véritablement croisés. Puis ce « Passage » au texte constitué d’un montage d’éléments piochés dans Wikipedia. Exercice de style digne de l’Oulipo, ce repaire de facétieux verbicrucistes. Et enfin « These Worlds Are Also Games », venu confirmer qu’ici, c’est en tous sens que la musique se joue.
Ludisme souligné par une voix facilement flûtée et des instruments propres à charger la musique de tonalités enfantines (xylophone, glockenspiel).
Légèreté de boite à musique, échos de squares où détraquements et notes inquiètes s’entendent aussi. Les paysages d’enfants, tout joyeux qu’ils puissent être, sont rarement sans sombres recoins.
Paavo, c’est deux syllabes et deux têtes pensantes (dont l’une chantante) : Cecilia Persson au piano et Sofia Jernberg au chant, donc, qui se partagent les compositions (4 pour l’une, 3 pour l’autre). S’il faut s’essayer au jeu des différences, on pourra trouver que celles signées Persson tiennent davantage de la comptine sautillante et bancale imprimée par le piano, succession de doigts bondissants d’où naissent parfois de messiaennes nuées d’oiseaux. Celles de Jernberg sont sans doute plus proches du souffle, du torrent, lorsque la voix charrie l’orchestre en une vague qui balaye tout devant soi, se contracte, s’étend et se rétracte. Mais à la vérité, selon des proportions variables, les deux présences sont entremêlées sur tous les titres.
Paavo a cinq lettres mais sept musiciens, auxquels se sont ajoutés pour l’occasion trois invités : Emil Strandberg, Frederik Ljungkvist et Alberto Pinton.
Ces messieurs ne sont pas les simples sidemen de ces dames. Ils forment un imposant ensemble qui se déploie sans contrainte derrière elles, qui semble encourager ces nombreuses têtes à dépasser derrière les leurs. Les souffleurs, notamment, profitent parfois de cette latitude pour s’ébrouer et faire fanfare.
Mais ils savent aussi se tenir dans la sobriété grave comme sur le cantique de Johannes Tinctoris - unique reprise - qui clôt l’album. Un au revoir sur un rythme de marche funèbre et céleste qui ne nous empêchera pas d’y revenir.