Bonnet-Malaby-Darrifourcq-Sclavis
Depuis longtemps
Richard Bonnet (g), Tony Malaby (sax), Sylvain Darrifourcq (d), Louis Sclavis (clar)
Label / Distribution : Jazzdor Series
Le nouvel enregistrement du guitariste Richard Bonnet est intéressant à plus d’un titre. Il grave sur disque un trio actif de manière épisodique mais continue durant les années 2017/2018, et qui n’avait pas eu de concrétisation discographique. De fait, enregistré live en 2018, Depuis longtemps réunit le batteur Sylvain Darrifourcq et le saxophoniste américain Tony Malaby. Les accointances esthétiques sont évidentes dans cette formation et l’intensité recherchée est atteinte avec une conviction volontaire, comme c’est le cas sur « Remolino » (signé de Malaby), titre d’ouverture qui s’embrase progressivement. Les musiciens y sont libres de leurs intentions pour peu qu’elles servent le projet commun et respectent le développement des morceaux. Les autres compositions (de la main du guitariste) sont, par ailleurs, parfaitement structurantes. Pleinement incarnées, elles valorisent, en retour, les interventions de chacun.
L’invitation faite à Louis Sclavis ajoute un ingrédient supplémentaire à ce trio devenu quartet. Avec l’expérience qui est la sienne, le clarinettiste se fond naturellement dans la proposition de Bonnet. La complémentarité des timbres des soufflants, rauques ou enveloppants, secs ou caressants, propose des couleurs contrastées et changeantes qui évoluent le long des titres. Enroulant des phrases d’où une forme de tension n’est jamais absente, les deux musiciens s’aventurent dans un échange qui n’est pas une confrontation mais un gonflement plein de leur voix. La batterie protéiforme de Sylvain Darrifourcq leur sert d’aiguillon ; complétant le set de son instrument par l’usage de sons électriques ou électroniques, il élargit le spectre rythmique et apporte un supplément d’étrangeté à des pièces qui globalement privilégient la suspension et les espaces, puis la libération de la tension.
Richard Bonnet, quant à lui, n’est pas de ceux qui s’approprient le devant de la scène dans un délire égotiste. Au contraire, il choisit de se positionner en retrait pour mieux installer un climat tonique et cahotant. Sons clairs et précis, il est coloriste autant que bassiste, c’est selon. Ce positionnement ouvert et collaboratif permet de maintenir une dynamique qui ne faiblit pas mais avance inexorablement, et laisse de la place à la musique pour circuler. Ce dont rend compte le titre « Double pain » qui clôture le répertoire avec force et réussite.