Chronique

Michael Formanek Elusion Quartet

As Things Do

Michael Formanek (b), Kris Davis (p), Tony Malaby (ts), Ches Smith (dms, vib)

Label / Distribution : Intakt Records

Ce qui marque d’abord, à l’écoute de ce nouvel album de Michael Formanek, c’est la constance. Le contrebassiste mène depuis des années une barque discrète au premier abord, mais qui s’affirme parmi les mécaniques les plus précises de sa génération. On se souvient qu’en 2019, lorsque Formanek avait présenté son Elusion Quartet, l’impression était à l’exploration de l’infiniment petit ; avec la même équipe, et notamment un Tony Malaby de feu, on perçoit dès « Bury The Lede » que les choses ont grossi : le saxophone est colérique, impétueux, le piano de Kris Davis est une percussion supplémentaire qui vient compléter l’arsenal de Ches Smith. Ce qui est en jeu dans ce As Things Do, c’est une forme d’entropie. De vivacité jamais démentie.

Ce n’est pourtant pas l’énergie de front qui caractérise tout cet album paru chez Intakt Records. Avec le très doux « Cracked Bells » par exemple, où la pianiste montre plus de douceur dans un toucher de plume, le dialogue avec les pizzicati de Formanek crée une tout autre atmosphère, dont il reste un point commun, celui de la liberté. Dans ces conditions, Malaby passé au soprano offre lui aussi un autre visage. Il y a dans ce morceau une approche qui se réclame de la musique écrite occidentale ; même Ches Smith, plus percussionniste que jamais, offre toutes sortes de ponctuations qui se complexifient à mesure que le morceau avance, donnant à Kris Davis toutes les raisons de durcir son propos. La relation entre le batteur et la pianiste est vraiment au cœur de ce quartet, notamment lorsque Smith utilise son vibraphone, comme pour mieux jouer à cache-cache avec la pianiste.

Disque d’une grande richesse, As Things Do est vraiment à l’image de son leader. Sur le bien nommé « Entropy », puisque c’est le thème et le mode d’action de ce disque, Formanek s’offre une introduction magnifique, toute d’autorité et de parcimonie. La discrétion dont il fait preuve ne nuit pas à sa présence de chaque instant : dans une formule très libre, Formanek accompagne, souligne, induit. Il offre les conditions idéales à de magnifiques solistes qui s’engagent dans son sillage. Un disque d’une grande délicatesse.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 septembre 2023
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