Stan Getz, qui « ne parlait jamais pour ne rien dire » - comme le souligne justement Claude Carrière, auteur, ici, des textes trop courts mais efficacement ciselés -, est un des maîtres du swing, avec cette séduction dont il savait jouer auprès du plus large public.
L’anthologie court sur trois années, de 1952 à 1955. Dès la première séance pour Norman Granz, en quintet avec le guitariste Jimmy Raney, Getz se livre avec une audace parfaitement maîtrisée, une légèreté très « lesterienne »
dans un « Stella by Starlight » inaugural. Puis il donne une version de « Stars Fell on Alabama » qu’aurait appréciée Mr T. « himself », l’incomparable tromboniste Jack Teagarden, premier employeur de Stan Getz.
C’est encore à Granz que l’on doit, avant le fameux « For Musicians Only », la rencontre passionnante des grands du jazz : on n’entend qu’un seul titre de Diz and Getz (9 décembre 1953), mais c’est un « It Don’t Mean A Thing » où Stan Getz doit se débrouiller avec le trompettiste fou, le bopper hallucinant. Il tient bon, courageusement, face à la tornade gillespienne.
Avec Bob Brookmeyer, le tromboniste à pistons qui savait aussi ce que « balancer » veut dire, la conversation est racée, énergique comme dans cette version décomplexée de « Flamingo ». Enfin, dans les ballades, on vérifie une fois de plus que le lyrisme sensuel de Getz est souverain. En attestent quelques raretés de son quintet, enregistrées en janvier 1954 à Los Angeles, avec le pianiste Jimmy Rowles et le batteur Max Roach (« With the Wind and the Rain in Your Hair »).
Getz disait que rien ne l’influençait, qu’il jouait à son goût, et le voilà, dans un autre quintet (qui a notre préférence), rejoint, le 15 août 1955, par les Californiens du West Jazz, superbement drivés par le batteur Shelly Manne, dans un éblouissant « Shine » avec le trompettiste Conte Candoli - qui délivre en émule de Dizzy de brillants aigus, Lou Levy assurant au piano et Leroy Vinnegar à la basse. On se régalera du solo de Getz, long et charpenté, sur « Suddenly It’s Spring », et on fondra littéralement avec « A Handful of Stars », en quartet cette fois, sans trompettiste, toujours en août 1955 mais cette fois le 19.
Pour finir, en route vers l’Europe du Nord, avec, dès 1955, un quartet scandinave, autre aventure qui va se prolonger pendant la décennie suivante. Il est clair que toutes les plages de ces deux CDF valent le détour, et on attend la suite du feuilleton Cabu Jazz avec impatience.