Scènes

Catalytic Corsano

Le label Catalytic Sound projetait d’organiser son festival 2020. Las, la pandémie est venue contrarier cette fête.


Chris Corsano (par Guy Sitruk)

Qu’à cela ne tienne. Ken Vandermark, grand maître de cette manifestation, l’a organisée en ligne. Chaque concert est précédé d’un échange entre entre lui et le ou les musiciens - parfois, il ne s’agissait que d’un long entretien - plusieurs invités, prestigieux ou non, mais dont les musiques se situent aux franges.

Parmi ces artistes innovants, le batteur Chris Corsano.

Outre le plaisir d’écouter ses promenades percussives, de déguster les méandres de ses parcours, ce batteur étonne toujours par les dispositifs mis en œuvre. Divers objets sont assemblés, parfois en un équilibre savant, d’autres fois à l’aide de rubans adhésifs. Des tiges, des ressorts, des percussions diverses, des canettes, sont agencés de telle manière que chaque sollicitation de l’un d’entre eux produit des vibrations, des percussions ou des résonances sur d’autres parties du dispositif. Et lors de ses concerts, il fait évoluer ledit dispositif pour élargir le discours et les opportunités expressives de sa batterie.

On reste souvent pantois d’entendre les effets importants d’une modification a priori minime, voire imperceptible des sollicitations de ses objets. Mais c’est là le génie des batteurs de tout premier plan, dont il fait partie.

Ken Vandermark - capture vidéo

Grâce à Ken Vandermark, et à Experimental Sound Studio Chicago, ce plaisir musical et visuel nous est proposé.

Après une échange par écrans interposés (->3:08), la musique commence, avec un dispositif assez simple : une canette, une tige en équilibre on ne sait comment, deux baguettes aux embouts différents pour frapper un tom et ces objets. Chris Corsano néglige le reste de sa batterie pour donner à entendre le potentiel d’un tel assemblage réduit, puis comme par mégarde, une frappe sur la tige d’une Charleston à sa gauche ; plus tard, un autre choc négligeant sur une plaque incurvée placée sur un autre tom à sa droite…
La complexification est en marche, les saveurs s’épanouissent.
Le deuxième dispositif est un peu plus savant : une fine tige de métal à cheval sur une pièce métallique posée sur un tom et une cymbale, plus deux mailloches tenues d’une seule main crépitant sur cette dernière. Il n’en reste pas là, bien évidemment. La complexité du dispositif s’élargit progressivement. Un solo de plus d’un quart d’heure, assez époustouflant en dépit d’une économie de gestes.

D’autres moments encore avec deux cylindres aux sonorités de clochettes (->29:50) et un final en forme de séquence vidéo abstraite en noir et blanc où l’électronique s’en mêle.
Chris Corsano nous propose ici l’une de ses séances de sorcellerie. La visualisation de son jeu permet d’accentuer, d’affûter notre attention, nos perceptions, notre envoûtement.
Un musicien passionnant !

Chronologie : dialogue (->3:08) ; solos (->9:40, 24:52, 29:54) ; vidéo (->33:19).