Chronique

Grdina & Lillinger

Duo Work

Gordon Grdina (g), Christian Lillinger (dm).

Label / Distribution : Attaboygirl Records

Point d’oud cette fois-ci dans les instruments choisis par Gordon Grdina. C’est à la guitare que le musicien invite son camarade batteur Christian Lillinger dans un Duo Work prêt à faire mentir le titre de l’interview qu’il nous avait accordée il y a quelques années. Zen, Grdina ? Pas ici, dans le nerveux et obsessionnel « Bunker » où l’électricité se bat avec ses armes, gifles de watts et bruit de tonnerre qu’accompagne une batterie volubile et hérissée comme un pelage d’animal sauvage furieux. De-ci de-là, Lillinger semble évoluer dans un univers plus complexe mais tout aussi dévastateur, notamment quand la guitare troque son électricité pour une électronique alcaline et écorchée (« Traverse »), qui tord la guitare en tous sens et affole le propos qui se pare de métal.

Le Duo Work est un coup de sang, effrontément virulent, où Gordon Grdina et Christian Lillinger semblent se jeter à corps perdu. « Dissolution », dont on connaît en France le pouvoir perturbateur, incarne cette colère froide dans un ronflement d’électricité qu’attaque une batterie intenable ; cette courte introduction est un appel au déraillement, au sabotage méticuleux qui fait sortir Grdina de sa ligne, jusqu’à se perdre dans une profusion de sons que Zappa n’aurait pas reniée. Chaque titre paraît avoir son atmosphère propre, mais une logique sous-tend cet album court : dans une démarche très rock, il faut toujours aller au point de fusion, à une forme de dislocation.

La pochette du Duo Work est une image qui pourrait sortir d’un film hollywoodien ou d’une exposition d’un des grands noms de l’agence Magnum : une maison de ville en brique et deux hommes qu’on imagine vivre d’un labeur aliénant. Quelque chose, encore une fois, d’une colère latente qui ne demande à exploser. C’est toute cette rage qu’extériorisent les deux musiciens dans des morceaux courts, à l’os, et même proto-punk dans leur explosivité (« Big Blue ») sur le label Attaboygirl Records qui soutient depuis longtemps les projets de Gordon Grdina.

par Franpi Barriaux // Publié le 6 octobre 2024
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