Chronique

Matt Mitchell & Kate Gentile

Snarke Horse [Box set]

Kate Gentile (dms), Matt Mitchell (p, claviers), Kim Cass (bass), Ben Gerstein (tb) Jon Irabagon (s, cl), Davy Lazar (tp), Mat Maneri (vl), Ava Mendoza (g), Matt Nelson (s), Brandon Seabrook (g, banjo)

Label / Distribution : Pi Recordings

Le projet est excessif, comme tout ce que touche de près ou de loin le pianiste et claviériste Matt Mitchell. Ici en co-leader avec la batteuse Kate Gentile, il signe chez Pi Recordings un coffret qui contient rien moins que six disques de musique neuve. Soit plusieurs heures d’écoute pour une œuvre pharaonique débordant d’une énergie brûlante.

Le processus créatif est le plus ouvert possible. Sur la base d’un catalogue de compositions volontairement brèves permettant de ne pas s’enfermer dans le carcan de structures contraignantes, fournies par Gentile et Mitchell, les dix musiciens s’élancent avec un bel appétit dans des constructions alambiquées qui sont les variations du matériau original.

L’enregistrement réalisé rapidement a permis de conserver la fraîcheur des intentions et un authentique vent de liberté souffle sur ce projet protéiforme. Les musiciens remplissent, en effet, attentivement le cahier des charges : celui d’enrichir tous azimuts une construction de groupe bouillonnante conditionnée par un même point de départ. De là, un son collectif hybride et mouvant. Les idées partent dans tous les sens mais l’inventivité rageuse qui les soutient trace une ligne de conduite droite.

Organisé autour de la batterie foisonnante de Kate Gentille et le piano démiurgique de Matt Mitchell, les partenaires sont dans une totale implication, à commencer par la guitariste Ava Mendoza qui bouscule et lacère la moindre des interventions de ses camarades pourtant peu disposés au calme. John Irabagon ou Matt Nelson rivalisent de cascades de notes sur leur saxophone et se fracassent à coup de sac et de ressac contre les trompettes de Davy Lazar ou le trombone de Ben Gerstein. Jusqu’au banjo de Brandon Seabrook, instrument ancré dans une tradition dont on a parfois du mal à l’extraire, qui vient apporter des couleurs légères et ironiques.

Mais dans ce bazar entretenu comme un feu, peut-on entendre autre chose justement qu’un chaos enthousiaste ? La cinquantaine de pistes ne se répète jamais. Elles sont entrecoupées de plages électroniques minimalistes, mises à plat par les claviers de Mitchell, et qui apportent de la respiration au corpus. L’ensemble fait de ce coffret une œuvre capiteuse dans laquelle il est possible de piocher les trésors d’une musique dynamique, pleinement vivante et résolument moderne.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 7 novembre 2021
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