Chronique

Tim Berne’s Snakeoil

The Deceptive 4

Tim Berne (as), Oscar Noriega (Bbcl, bcl), Matt Mitchell (p), Ches Smith (dm, perc)

Label / Distribution : Intakt Records

Depuis 2012 et l’album Snakeoil, paru chez ECM, le saxophoniste Tim Berne dirige le groupe du même nom, une des ses formations les plus passionnantes. On le retrouve ici avec un double album, The Deceptive 4, paru chez Intakt Records. Les deux disques ont été enregistrés en concert à New York mais à sept ans d’intervalle (2017 pour le premier, 2009 pour le second). Ils présentent tous les deux quatre morceaux : de longues compositions serpentines et alambiquées du saxophoniste (excepté « Hemphill », hommage à son mentor le saxophoniste Julius Hemphill).

Elles sont construites sur une trame assez identique : bouts de thèmes bricolés à base de réitérations, de montées, de ruptures et de glissements de terrain, elles offrent aux deux soufflants un fantastique dédale harmonique. Berne, dans son style caractéristique, rugueux et animal, souffle le chaud et le froid avec une intensité folle. Oscar Noriega, puissant clarinettiste (qui gagne à être mieux connu) livre des soli habités tirant de ses clarinettes (en si bémol et basse) des sonorités surhumaines. Le fabuleux Matt Mitchell, toujours très juste dans ses interventions, distille, de son toucher précis et massif des effluves sourds et épais. Quant à Ches Smith, omniprésent, il offre au groupe une assise rythmique et une riche palette sonore qui permettent à l’édifice de monter vers les étoiles.

Ce qui frappe in fine, c’est l’osmose entre les quatre musiciens, cette capacité de se trouver sans même se chercher, chacun étant un élément de ce grand tout musical. Et aussi cette urgence dans le propos, cette façon de se bousculer, de se rentrer dedans, et par là même de bousculer l’auditeur. Et puis cette puissance, énorme, tellurique. Bref, du free comme on l’aime. Tendu, sec, âpre mais avec une certaine légèreté de ton, une tendresse dissimulée sous une furieuse carapace.