Chronique

Kim Myhr

You | Me

Kim Myhr (g, el g), Tony Buck (d), Hans Hulbækmo (d), Ingar Zach (d, el)

Avec cet album, le guitariste argonaute Kim Myhr ouvre des portes vers de nouveaux paysages sonores dont lui seul détient la clé. Pour ce faire, il choisit un peu plus de radicalité et, de fait, affine le propos. Devenu en quatre albums l’un des chefs de file du label Hubro, il a désormais la qualité et l’aura d’un maître. Cela tombe bien, c’est dans ses cordes.

« You | Me » est un album de deux titres (faces A et B pour la version vinyle), un parti pris qui n’est pas sans rappeler la marque d’un trio australien vétéran du genre, adepte des longues plongées exploratrices, The Necks. Cela tombe encore bien, Tony Buck, le batteur du trio, participe à cet album et y pose sa patte reconnaissable. Rien d’étonnant puisque Myhr a aussi collaboré avec Jim Denley, improvisateur et référence de la même scène australienne. Caresses métronomiques de cymbales, accords et rythmes stakhanovistes de guitares se joignent en un slow tantôt doux, tantôt frénétique que l’on n’imagine pas « voir » s’arrêter.

Plus rugueux, ou plus sombre sur « A », ce mariage devient aussi fluide et bienfaisant sur la piste « B » qui prend des allures de voyage parfait. La douze-cordes, bien que rarement jouée en arpèges, dévoile ici toute sa richesse, et les mélodies à la guitare électrique, comme des réminiscences d’un blues lancinant, affluent avec régularité depuis le lointain. On ne rêve plus. Tel un mantra qui suit sa logique naturelle, telles les vagues qui irrémédiablement nous parviennent, ces sons, les uns après les autres, apaisent l’esprit.

Parce qu’on sait le guitariste norvégien inspiré par la peinture et les images qui se construisent par touches plutôt que par flashes, on se laisse immerger dans cette immensité. Il est question ici d’un savoir-faire orchestral qui se fait passer pour un art de l’épure. C’est cela la force de cette musique, qui croît jusqu’à nous happer. Le fruit d’un travail de titan.

par Anne Yven // Publié le 1er décembre 2019
P.-S. :