Chronique

Erb / Baker / Hunt

Live at Hungry Brain

Christoph Erb (ts, as), Jim Baker (cla), Steve Hunt (dms, perc)

Label / Distribution : Veto Records

Même si depuis quelques mois la collection Exchange a changé un peu de destination, documentant davantage les pérégrinations de Christoph Erb que des rencontres transatlantiques, il est bon de revenir aux fondamentaux. Le saxophoniste de Lucerne est toujours là, anches sifflantes et rage intacte, et on le retrouve avec plaisir dans un Live at Hungry Brain. On sait le club de Chicago ouvert à toutes les libertés, et c’est avec le claviériste Jim Baker qu’on le retrouve presque naturellement. Avec le violoncelliste Fred Lonberg-Holm, c’est l’un des plus vieux compagnons de Christoph Erb dans ces aventures Exchange, et sans doute le plus prolifique. On les a entendus en duo, puis en trio avec Frank Rosaly et Michael Zerang. Dans ce nouvel épisode, c’est avec le percussionniste Steve Hunt que cela se déroule. Et si la recette reste la même, elle se colore différemment au gré des personnalités des rythmiciens.

Steve Hunt est un habitué des formations de Baker. Il travaille le son comme une matière malléable mais jamais policée où les sons métalliques sont de ceux où l’on racle, voire où l’on fouille. Il trouve en Erb un camarade de jeu adéquat aux explosions soudaines, qui sait gérer les excitations sporadiques autant que les temps faibles. Le disque, sorti encore une fois chez Veto Records, est une seule longue plage où tout se déroule en cycles imparfaits. Dans ces moments imprévisibles, on se cherche et on s’embrase après de ces instants où les sens s’égarent, tant à cause d’une longue note tenue du soprano que grâce aux sons improbables des synthétiseurs de Baker.

Loin de se mêler aux vociférations, Baker se lance dans un travail de l’ombre, insidieux et diablement profond. Ses claviers vintage semblent venir d’autres fréquences, d’autres planètes, mais ils plongent le discours dans une atmosphère psychotrope puissante et parfois irrespirable à mesure que les minutes passent. D’abord réfléchi comme une triple opposition, un confrontation centrale, le sujet de ce live astringent devient plus fusionnel, plus agressif aussi lorsque le saxophone comme la batterie se débattent dans un maelström électrique qui s’insinue partout. Pour sa dix-septième sortie, Exchange s’offre un discours radical qui cadre à merveille avec le reste, tout en renouvelant le propos. Une réussite.

par Franpi Barriaux // Publié le 1er novembre 2020
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