Tribune

Les 25 ans du Collectif Pan

La roue tourne pour PAN, le collectif normand


A l’occasion des 25 ans du Collectif PAN, le moment est venu de prendre le temps de parler de sa genèse, de son évolution et de son devenir en m’entretenant, en cette fin janvier 2022 avec Mélanie Dallois, sa présidente depuis 2021.

- Quelle est son histoire : Comment est né le collectif ?

En 1996, des musiciens issus du « Caen Jazz Action », avec le saxophoniste Jérôme Valognes en chef de file, le jeune Nicolas Talbot qui suivait les grands et le batteur Jean Benoit Culot, se regroupent pour mutualiser et faciliter les demandes de subventions. Séduits alors par le Crescent de Mâcon qui se créait dans une cave, ils veulent initier dans l’agglomération caennaise une salle dédiée aux musiques actuelles et improvisées.
Caen est une cité de Jazz, il faut savoir que Duke Ellington, Thelonious Monk et Sun Ra sont passés par là, une classe de jazz a été créée au conservatoire par Richard Foy. Caen Jazz Action existait mais sans lieu dédié, ce qui a eu pour conséquences l’étiolement, l’errance du public et, au final, le départ des musiciens renommés et formés à Caen comme Emmanuel Bex, Christophe Leloil, Gael Horellou, Morgane Carnet… à la recherche de lieux plus structurés comme Tours ou Nantes.

Ainsi, en 1998, le public découvre les Jazz DuDim’ qui avaient pour principe de jouer tous les dimanches notamment à l’espace PUZZLE. Un groupe normand rencontrait et échangeait avec des musiciens de renommée internationale. Le public a pu ainsi écouter Marc Ducret, Joëlle Léandre… Ce dispositif a duré une dizaine d’années.
En 2008, l’espace puzzle ferme ses portes, le partenariat n’est pas reconduit et le Collectif jazz de Basse Normandie se retrouve SDF.
Jusqu’en 2016, les bénévoles, se sentent agents immobiliers et se décarcassent pour trouver une date et un lieu par mois avec tous les risques, les négociations et les complications inhérents à la situation. Leur indépendance et les finances en sont impactées.
En 2016, le Collectif Pan apparaît et décide de changer de formule. Jusqu’en 2019, les concerts sont regroupés en un week-end par saison de deux plateaux : PAN l’été, PAN l’automne, etc. Mais toujours en mode nomade, entraînant un problème d’identification des lieux par le public. Le Covid a mis un terme à cette période puisque le dernier PAN l’été 2020 avec Pipon Garcia n’a pas eu lieu.
Durant ces années, il a fallu aussi s’adapter aux changements de directives, aux restrictions multiples et variées… A la musique filmée en distanciel, nous avons préféré la proximité avec le public en petite jauge , les concerts PANtoufles ont été créés chez l’habitant chaque samedi, de mars à juin 2021, du Jazz au Balcon des commerçants, les concerts du Grand Cheval les jeudis de l’été, une grande première ! Le public curieux et emballé était au rendez-vous.

P.O.P. Duo à l’Artothèque de Caen © Gérard Boisnel

- Quel est son présent : son sens, sa philosophie, sa spécificité ?

Les membres de l’association se sont questionnés sur les objectifs du collectif, sur le sens des actions menées et sur la pertinence du modèle. En se basant sur les retours des musiciens et sur les études du FAR en 2011/2013 et de L’IRMA, trois axes ont émergé.
Le premier est la mise en évidence que le collectif de musiciens est devenu une structure de soutien à vocation d’aide aux musiciens de jazz et de musiques improvisées.
Le second s’oriente vers la diffusion et le fait d’offrir un lieu et du matériel aux musiciens, avec un technicien qui aime le jazz, oiseau rare.
Le troisième axe est de travailler sur les publics, rendre le jazz accessible et lui redonner sa noblesse de musique populaire.
La diversité artistique sera prônée, la représentation du jazz parmi les autres esthétiques sera mise en exergue. Nous prendrons notre place sur l’espace culturel. Proclamer également l’esthétique au sein du jazz, ce n’est pas une autoroute de grands concerts, donner leurs chances et une vie de qualité aux talents locaux et nationaux, sera notre fer de lance et le développement du partenariat avec d’autres lieux. Une médiation auprès du public pour l’inciter à écouter de la musique et à s’investir sera instaurée.

- On sent que le tournant est amorcé et qu’un nouvel élan se dessine.
En fait, que signifie PAN ?

Le Collectif PAN qui suit Festival PAN années 2014/2015 organisé par le Collectif jazz de Normandie cherche son autonomie mais garde le dénominatif PAN. Dans la mythologie grecque, c’est le dieu de la musique, c’est aussi celui qui rassemble.
« Être ensemble » selon les initiateurs, rassembler les gens. De plus, l’onomatopée est assez rigolote.

The Workshop Trio, à Sauvages sur un plateau © Gérard Boisnel

- Comment avez-vous célébré les 25 ans : « 25 événements pour 25 bougies » ?

Le concept a débuté le 1er décembre dernier, une bougie par événement. Sans lieu, on a contacté 25 lieux différents pour nos 25 concerts. Les salles qui avaient un lien proche avec le public avec des jauges de 50 personnes ont été la priorité. Le public a pu apprécier 7 concerts chez l’habitant et d’autres dans des lieux divers comme des médiathèques, des tiers lieux dans les trois départements de l’Orne, la Manche et le Calvados.
A L’estrade, à Caen lieu consacré aux arts plastiques, à l’artothèque avec l’exposition du peintre Michel Quarez, à l’épicerie associative et multi K (Kollectif, Kulture, Kantine.. ) le K-Rabo à Rabodanges.
Une chaleur humaine émane de ces lieux reculés. Les rencontres au café sauvage seront pérennisées pendant les heures de la cantine tout au long de l’année.
Et le bonus final : Le Grand Bal Swing animé par l’orchestre Eul’swing, dans la salle du Clos baron à Lion-sur-mer avec le soutien de la municipalité juste avant l’interdiction de danser ! Ouf !

Le Grand Bal Swing © Gérard Boisnel

- Peut-on dire que le collectif est mature à 25 ans ?

Je suis ravie de cette question car nous en parlions hier, en fait, on est passé du stade de la crise de l’adolescence à l’indépendance. On a quitté le nid pour s’affranchir. Et pour mettre en œuvre nos trois axes, le soutien aux musiciens, la diffusion et le travail sur le public, on a acheté une yourte. La mairie de Caen soutient le projet. S’il est accepté, la yourte sera implantée derrière le Centre Chorégraphique de Caen, en plein centre ville pour une durée limitée ce qui par la suite permettra une appropriation d’autres quartiers de la ville grâce à sa mobilité.

- Parlons maintenant de la diffusion, quelles sont les pistes et pourquoi une yourte ?

L’accent sera mis sur les quartiers en fonction des pérégrinations de la yourte, la rencontre avec les écoles, le public des MJC, la technique musicale au conservatoire etc., ce sera modulable.
Nous tablons sur deux modes de diffusion, une programmation à la yourte, un concert par mois avec des artistes nationaux, activer le réseau en partenariat avec les petits lieux qui nous ont accueillis pour les 25 ans en essaimage dans tout le paysage normand
La radio diffuse un programme établi par Alain Lambert et Eric Martin, PANzai sur RCF Normandie sur la fréquence 94,9. Chaque émission annonce les sorties, les coups de cœur, le jazzenda de la région et expose une thématique.
Tout au long de l’année 2022, l’histoire du collectif sera racontée par ses musiciens, adhérents et salariés. Ces entretiens des emblématiques participants de l’association sont disponibles sur le site du collectif et sur Arte radio. Le point d’ancrage : « savoir d’où on vient pour savoir où on va ».

- Avez-vous des projets avec d’autres collectifs ?

Le projet de la yourte est de fédérer toutes les associations de jazz de l’agglomération comme Caen Jazz Action, d’héberger des stages, d’accueillir le Minifest en septembre, les ateliers jazz du conservatoire, les stages du club de danse Caen Ca Swing.
Nous sommes ravis d’une possible collaboration avec la Compagnie artistique les Musiques Têtues de Bretagne.