Jazzdor, le feuilleton citoyen (1)
Mardi commençait le festival franco-allemand Jazzdor, organisé à Berlin par l’association éponyme, basée à Strasbourg. Le principe : inviter le public berlinois à découvrir des artistes de jazz et musiques improvisées français.
Mardi commençait le festival franco-allemand Jazzdor, organisé à Berlin par l’association éponyme, basée à Strasbourg. Le principe : inviter le public berlinois à découvrir des artistes de jazz et musiques improvisées français.
Depuis 5 ans, le festival a lieu dans un de ces merveilleux endroits typiquement allemands, la Kulturbrauerei, une ancienne brasserie installée dans un immense complexe industriel en briques rouges et reconvertie en salle de spectacle, en cinéma, en espaces de jeu, en cafés, etc. Elle est située en plein cœur du quartier de Prenzlauer Berg, au Nord-Est de la ville, non loin de la démarcation de l’ancien mur, côté RDA. À quelques stations de tram de là, il reste même des bouts du Mur, que seuls les touristes viennent admirer. La Kulturbrauerei est située à la frontière entre deux quartiers, l’un plutôt dédié à la vie nocturne, l’autre aux mamans-poussettes, aux restaurants végétariens bios et aux librairies-salons de thé. À Berlin, la vie est incroyablement douce ; j’écris depuis un café, face à un square, en regardant passer les cyclistes ; à côté de moi les autres clients lisent, bavardent discrètement, écrivent également.
C’est dans cette ambiance détendue que Jazzdor a commencé cette semaine, avec le premier soir le duo Vincent Peirani-Émile Parisien, qui a paraît-il fait un tabac — les nombreuses fans émerveillées qui vinrent les voir à la fin de la soirée en témoignent. Je n’ai malheureusement pas pu assister à cette belle entrée en matière pour cause de retard d’avion. Bousculée par le temps, un sandwich à la main, un plan du métro dans l’autre, je débarque haletante dans la magnifique salle de la Kulturbrauerei, prête pour le trio Louis Sclavis-Julien Desprez-Sylvain Darrifourcq, un excellent remontant pour les voyageurs épuisés. Électriques, les musiciens se baladent entre bruits claquants et nappes de drones. On entend beaucoup le groupe Q dans ce nouveau trio : les deux copains du collectif Coax ont les sons imbriqués, se connaissent bien et savent se parler. Sclavis se pose là-dessus avec une élégance et une légèreté toujours empreinte d’une certaine urgence, mais on sent tout de même que l’énergie circule plutôt entre lui et les deux autres, qui forment un bloc, qu’entre trois individualités séparées. Cela dit, la rencontre, totalement improvisée, était une première ; sans doute un ou deux concerts de plus suffiraient-ils à estomper cette impression.
C’est Papanosh qui a clôturé cette ouverture de festival. Membres des Vibrants Défricheurs, Quentin Ghomari, Raphaël Quenehen, Sébastien Palis, Thibault Cellier et Jérémie Piazza passent avec une aisance remarquable d’un registre à l’autre et, combinant toutes sortes d’influences, proposent un son tout à fait unique. Free jazz et jazz plus classique se côtoient librement, tout en laissant la place à des sons plus soul — superbe solo de Sébastien Palis à l’orgue ! — ou carrément puisés dans des répertoires traditionnels. Tout cela est traversé par une énergie qui n’échappe pas au public berlinois, conquis par la vitalité de ces Rouennais en goguette.