Chronique

Pierre de Bethmann Trio

Essais / Volume 3

Pierre de Bethmann (p, Rhodes), Sylvain Romano (b), Tony Rabeson (dms).

Label / Distribution : Aléa

Le bonheur, c’est simple comme un trio. On pourrait le penser à l’écoute de ce troisième volume des Essais signé par celui de Pierre de Bethmann. Un nouvel album qui fait suite, c’est très logique, à un Volume 1 (2015) et un Volume 2 (2018), soit une trilogie (provisoire comme on le verra) publiée chez Alea, le label du pianiste dont on connaît par ailleurs l’hyperactivité. Il n’est pas inutile de rappeler que cette frénésie s’exerce en particulier depuis quelques années dans un Medium Ensemble comptant lui-même trois albums doubles à son actif : Sisyphe (2014), Exo (2016) et Todhe Todhe (2019). Ce mini big band est une sorte de laboratoire et la rampe de lancement d’un idiome exigeant, pour ne pas dire savant, paré d’arrangements toujours luxuriants. Sans oublier une place prépondérante accordée aux solistes. Pierre de Bethmann est un musicien dont le sens aigu du collectif et la précision de l’écriture vont de pair avec une sollicitation permanente de la parole individuelle et du dialogue. Rigueur et chaleur amoureusement intriquées.

Bonheur du trio, oui, avec cette formule piano – contrebasse – batterie dont l’histoire du jazz fourmille d’exemples de si haute tenue qu’ils pourraient dissuader les moins aventureux d’oser ajouter à l’édifice une pierre bien friable. Mais voilà, c’est bien du bonheur qui s’entend dans la complicité de nature fusionnelle d’une formation associant Sylvain Romano et Tony Rabeson, deux musiciens aguerris à la pratique d’un jazz organique, et qui forment aujourd’hui la charnière rythmique du quintet des frères Belmondo (considérons cette référence comme la garantie d’une forte vibration).

Bonheur aussi du fait d’un répertoire ouvert qui peut se nourrir de toutes les musiques, passées ou présentes. Ici, on convoque sans a priori stylistique ni de genre des œuvres issues de la musique classique aussi bien que des incontournables de la chanson française. Mais qu’on se rassure, le jazz n’est pas en reste, toujours en bonne place par le biais d’un standard ou d’une composition marquante. C’est une manière pour le trio du pianiste de célébrer notre mémoire collective et de rappeler les sources populaires de cette musique. C’est sa façon de nous faire comprendre que rien n’est jamais gravé dans le marbre : s’il est impératif de connaître l’histoire, c’est pour mieux en écrire de nouvelles, éclairées par les couleurs de notre temps. Ainsi, ce troisième rendez-vous est le prétexte à une balade amoureuse qui passe de Robert Schumann à Stevie Wonder, avec de beaux détours du côté de Cole Porter, John Scofield ou Georges Brassens.

Un bonheur ne venant jamais seul, on sait d’ores et déjà qu’une suite est programmée pour l’automne prochain sous la forme d’un Volume 4 enregistré lors de la même session au studio Recall. En attendant, on se régalera du présent, à comprendre dans tous les sens du mot.