Chronique

SLOW

SLOW

Yoann Loustalot (tp, bugle), Julien Touéry (p), Eric Surménian (b), Laurent Paris (perc)

Label / Distribution : Bruit Chic

Faire bon usage de la lenteur est une gageure. La recherche de l’épure, du trait parfait, du plan-séquence alangui, la danse avec le vide, le geste minimal ou le choix des mots n’appartiennent véritablement qu’aux raconteurs qui ne manquent pas d’idées. Yoann Loustalot et Julien Touéry, qui n’en sont pas à leur première collaboration et entre lesquels une sorte d’évidence intangible s’est installée, ont précisément choisi d’explorer ce champ, faisant le choix de contraindre chacune de leurs intentions à être chargée de sens.

Avec la complicité d’Eric Surménian et Laurent Paris, ils livrent ici un répertoire suspendu, une invitation à la contemplation intérieure où chaque morceau constitue un paysage imaginaire singulier, toujours pourvu d’ une impressionnante profondeur de champ et d’une lumière choisie. L’espace dont les musiciens disposent, ou plutôt l’espace qu’ils se créent, leur autorise de belles interventions suspendues et favorise notre évasion.

Les compositions sont absolument magnifiques, qu’elles arborent des formes incertaines (« Sur le tard », « Metal Contact ») ou se déroulent paisiblement (« Vers l’ouest », « Fjord ») à la manière de promenades sonores parfois bercées d’une pulsation légère et rassurante. Pas ici de formule appliquée à des thèmes. Chaque titre est un voyage réinventé. Les notes égrenées du piano, les envolées lyriques de la trompette, les cellules rythmiques lancinantes et les belles notes chaudes et graves de la contrebasse s’épousent, le propos collectif est chargé d’émotion, et chaque écoute de cet album remarquable constitue pour l’auditeur une immersion dans un monde sonore intriguant et poétique. Les titres d’ailleurs parlent d’eux-mêmes. Ne ressent-on pas les piqûres du froid et l’ivresse des chemins à défricher à l’écoute de « Vers le nord », un morceau grave porté par le très beau jeu à l’archet d’Eric Surménian ? Ne perçoit-on pas la chaleur réconfortante du bugle lorsqu’il apparaît ? Ou la pureté cristalline des gouttes de piano ?

Slow n’est pas un album comme les autres. Il est de ces rares disques qui se parcourent avec sentiment d’exaltation sans cesse renouvelé. Sur le chemin, « Table Rase » ou « Ama Lur » sont de véritables refuges. Il me tarde que vous vous y rendiez.