Chronique

Sylvie Courvoisier, Wadada Leo Smith

Angel Falls

Sylvie Courvoisier (p), Wadada Leo Smith (tp)

Label / Distribution : Intakt Records

Longue de plusieurs années au sein de la scène new-yorkaise, la collaboration entre Sylvie Courvoisier et Wadada Leo Smith s’est concrétisée dernièrement autour de deux disques. Smith intervient au sein du quartet qui interprète Chimerae paru en 2023 et qui constitue d’ores et déjà à coup sûr un des sommets de l’œuvre toujours en cours de la pianiste suisse, tandis que le duo qu’ils constituent aujourd’hui pour Intakt montre une fois de plus les affinités qui les relient.

Le trompettiste a toujours su trouver l’épanouissement de son jeu en présence d’un clavier, comme en témoigne une collaboration avec Angelica Sanchez en 2013 ou plus récemment le très méditatif Central Park’s Mosaics of Reservoir, Lake, Paths and Gardens aux côtés d’Amina Claudine Myers. Avec de nombreuses nuances toutefois, les deux interprètes s’élancent cette fois dans un répertoire sans filet qui se nourrit des apports de l’autre.

Avec comme aire commune une place importante accordée au silence considéré comme un allié, les deux musiciens laissent se construire un lent dialogue qui prend le temps de laisser advenir puis se formuler les idées. Chaque geste, commun ou partagé est ainsi particulièrement abouti et la coordination entre les deux atteint un degré d’entente tel qu’on ne semble plus écouter de la musique mais plutôt assister à une chorégraphie.

Les articulations acrobatiques de Courvoisier, de même que sa capacité à utiliser l’intégralité des potentialités de son clavier dans la profondeur des basses comme dans l’espièglerie de quelques trilles aigus, tournent autour, parfois avec griserie, de la trompette puissante et immuable de Smith qui viendra soudainement se déchirer dans un cri bouleversant. Loin des compositions trop cadrées qui corsèteraient l’expressivité en la canalisant, le champ des possibles est ici totalement ouvert et dans un jeu souple et mobile les deux musiciens cherchent la bonne distance à l’autre, faisant de leur rapprochement ou de leur éloignement les conditions d’une tension en permanence régénérée et d’une intériorité qui s’épanouit dans la communion de deux individualités.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 26 octobre 2025
P.-S. :