Courvoisier /Feldman /Mori /Parker
Miller’s Tale
Sylvie Courvoisier (p), Mark Feldman (vln), Ikue Mori (electronics), Evan Parker (ts, ss)
Label / Distribution : Intakt Records
Quatre pièces en quartet, suivies de cinq en duo, constituent la matière musicale de ce disque, enregistré l’année dernière à New York. Si la pianiste et son époux violoniste nous ont habitué à leur dialogue, si Ikue Mori fréquente souvent les mêmes scènes qu’eux - au Stone par exemple, mais aussi dans des formations comme Mephista (avec Susie Ibarra) - la présence d’Evan Parker est plus étonnante, et donc très excitante a priori. Le titre du disque renvoie donc à Arthur Miller et à sa fameuse pièce Mort d’un commis voyageur, tout comme le premier morceau interprété appelé « Death Of A Salesman ».
J’aime particulièrement dans ce disque la musique qui vient dans « The American Dream ». Parce que Mark Feldman y est une fois de plus merveilleux de retenue et de classe, et que ce qu’il apporte à partir d’une évocation assez précise du Concerto À La Mémoire d’un Ange de Berg induit chez tous ses partenaires une hauteur de musique bienvenue. Et, en lieu et place d’une sempiternelle « improvised music » arrive alors la construction instantanée d’une véritable composition, d’une grande beauté formelle. Je rappelle en effet - au risque de ne pas me faire des amis - que le fait de nommer toute improvisation radicale « composition instantanée » ne suffit pas à en faire une oeuvre. Encore faut-il que ça tienne, si vous voyez ce que je veux dire. « Up From Paradise » qui suit se tient dans cette même veine, et le dialogue Feldman/Courvoisier y est à son meilleur, avec ce qu’Ikue Mori amène, avec sa finesse habituelle. Écoutez ces deux pièces (3 et 4) et prenez plaisir à ces fulgurantes beautés.
Les duos qui suivent n’épuisent pas toutes les figures possibles (il y en a six, si j’ai bien compté, manque donc le duo Courvoisier/Feldman évidemment). « Riding On A Smile And A Shoeshine » (Feldman/Mori) est tout simplement sublime, « Playing For Time » donne l’occasion d’entendre Evan Parker au ténor d’une façon qu’on croyait oubliée, ou perdue, et Sylvie s’y amuse manifestement beaucoup. Les autres duos sont également passionnants. Avec son trio « jazz » (avec Kenny Wollensen et Drew Gress) et maintenant ce quartet « ouvert », sans oublier toutes les formations dans lesquelles elle intervient, Sylvie Courvoisier est bien l’une des musiciennes les plus importantes du moment. Et de demain. Écoutez, pour finir, son duo avec Ikue, qui termine le disque : « A Fountain Pen ».