Chronique

The Urge Trio

Heros Live in St. Petersburg

Tomeka Reid (cello), Christoph Erb (ss, ts), Keefe Jackson (ts, ss, bcl)

Label / Distribution : Veto Records

C’est toujours avec un peu de retard qu’on découvre les pérégrinations de Christoph Erb avec le Urge Trio. L’orchestre, qui est devenu le groupe le plus présent dans la collection Exchange, en est à son troisième live, déjà, depuis 2014. Le précédent datait de 2017 et avait été enregistré dans un célèbre club de Chicago, après un détour dans l’Ohio. Là, c’est à Saint-Pétersbourg que l’on retrouve Keefe Jackson et Tomeka Reid. Le genre de concert qui date de 2017, les concerts dans la plus belle ville de Russie appartenant pour le moment au passé. La formation n’a pas changé, s’est détachée depuis le Live at Hungry Brains de la réduction de Duope. On le perçoit dès « Герой », le premier morceau de cet album où Erb au soprano fait siffler son anche pendant que la clarinette basse se répand comme une nappe visqueuse. Il n’y a justement pas d’urgence dans la musique d’Erb et de ses compagnons. Les choses s’installent avec méticulosité pour mieux s’emparer de l’espace, à l’image du violoncelle qui étreint les soufflants pour laisser place à un silence intranquille.

Les « héros » du Urge Trio sont ceux de Saint-Pétersbourg, peu de temps avant qu’elle ne s’appelle Leningrad. Enregistrés dans la ville pendant les festivités des cent ans de la Révolution Russe, ils montrent le trio en avant-garde : toujours dans « Герой », alors que la place de chacun s’est définie, le violoncelle de Tomeka Reid, véritable boussole de l’orchestre, se lance dans une offensive. Comme dans les précédents concerts, Heros est une succession de temps forts et de temps faibles qui sont ici guidés par un archet très volubile. « Héros », qui débute par une initiative très concertante de Reid, s’enfonce dans des profondeurs troublantes pour laisser Jackson et Erb sortir comme des diables de leur boîte. Si célébration de la révolution il y a, c’est avant tout par la conviction inébranlable de la puissance de l’imprévisibilité.

Keefe Jackson délaisse beaucoup la clarinette basse pour le sopranino et le ténor et agit, davantage peut-être dans cette troisième fournée de The Urge Trio, comme un double de Christoph Erb. De fait, dans « Eroe », malgré un contexte très bruitiste, c’est à une lutte plus aérienne, moins plantée dans les basses telluriques, que nous assistons. Mais c’est la cohésion et la grande cohérence du Urge Trio qui est avant tout sensible ; cette formation apparaît désormais comme la plus solide du saxophoniste de Lucerne.

par Franpi Barriaux // Publié le 29 mai 2022
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