Scènes

Anteloper et Blacktet, trompettes de la Villette

Les trompettistes Jaimie Branch et Marquis Hill, en concert dans le cadre de Jazz à la Villette, représentent la scène de Chicago


Marquis Hill Blacktet - Alice Leclercq

Un casting issu de la scène de Chicago ouvre ce double plateau, thématique « trompette », de Jazz à la Villette 2019, à la Cité de la Musique.

Anteloper
Jaimie Branch - trompette, Jason Nazary - batterie, électroniques

Ce n’est pas pour son projet Fly or Die mais pour Anteloper, une exploration electro-free en duo, que la trompettiste de Chicago est invitée au Festival Jazz à La Villette 2019 et présentée sous l’étiquette « trompette dans sa modernité radicale ». Dans leur album Kudu publié en 2018 sur le label International Anthem, Jaimie Branch et Jason Nazary ajoutent en effet des synthés au duo trompette - batterie qu’ils forment depuis 2002.

La trompettiste en kimono pourpre se tient derrière ses machines, face au batteur augmenté d’un laptop. L’électronique projette un lien supplémentaire entre eux, dans ce programme qui ambitionne de former une combinaison fascinante.

Si l’album Kudu comporte cinq pièces, la performance live se déroule d’une traite, dans un continuum minimaliste dont l’effet d’hypnose se trouve régulièrement déchiré par des digressions radicales. Salves aiguës de trompette, grondements et caissons de basse qui se mettent à vibrer comme dans un concert de hiphop…jusqu’à un atterrissage où Jaimie s’exprime davantage en douceur, à la trompette bouchée.

Marquis Hill Blacktet Modern Flows Vol.2
Marquis Hill - trompette, Braxton Cook - saxophone alto, Joel Ross - vibraphone, Jeremiah Hunt - basse, Makaya McCraven - batterie

Dans la thématique des jeunes prodiges issus de la scène de Chicago, place au Blacktet de Marquis Hill avec Braxton Cook au saxophone alto, Joel Ross au vibraphone, Jeremiah Hunt à la contrebasse et Makaya McCraven à la batterie.
Si le répertoire joué est essentiellement issu du dernier album du jeune trentenaire, Modern Flows Vol. 2, le concert suit un format jazz beaucoup plus classique que l’album, sans la dimension hip-hop jazz que porte l’enregistrement.

De fait, hormis un bref extrait de spoken word diffusé par Marquis Hill en introduction du set, le concert est une affirmation du quintet d’instrumentistes masculins en majesté, sans les invités MC et poètes de l’album, Brandon Alexander Williams et M’Reld Green.

Dans ce format jazz, donc, peu de pièces sont interprétées mais elles sont extrêmement étirées, avec de longs développements mélodiques du vibraphoniste au bonnet rouge Joel Ross – « the young genius himself » nous dit Marquis Hill.

C’est véritablement tapis rouge ce soir pour l’auteur de King Maker, son premier album en leader sur le label Blue Note, également sideman de Melissa Aldana sur Visions, de James Francies sur Flight et de Makaya McCraven sur Universal Beings.

Avec justement Makaya McCraven parmi le Blacktet - « I call him the one and only beat scientist », souligne Marquis Hill au moment des présentations - le répertoire interprété se charge d’une énergie torrentielle d’un bout à l’autre, se gonfle du flot continu d’un ogre qui aurait tendance à engloutir l’ensemble.

Entre un Makaya McCraven et un Jonathan Pinson - le batteur présent sur l’enregistrement et que l’on avait vu au Duc des Lombards en novembre 2018 lors de la présentation de ce même album - le Blacktet livre des concerts dont la dimension rythmique varie, forcément, mais dont la marque distinctive demeure la douceur, la limpidité, l’élégance de la sonorité du trompettiste leader. Un concert phénoménal.