

Barbastelle
Vestige Étésien
Jordi Cassagne (b), Adèle Viret (cello), Hanne de Backer (bs), Yann Lecollaire (cla), Samuel Ber (d)
Label / Distribution : Aut Records
C’est la patience qui marque à la première écoute de Vestige Étésien, le premier album de Barbastelle du contrebassiste Jordi Cassagne, que nous avions déjà entendu il y a plus de dix ans avec Bengalifère. La patience, car nous sommes face à une belle équipe de sculpteurs de sons, de ceux qui travaillent à polir des sympathies entre le saxophone baryton de Hanne de Backer et le violoncelle d’Adèle Viret et proposer une musique instinctivement chambriste, prenant racine dans la musique Renaissance tout en ayant un propos des plus contemporains, à l’image du premier morceau, « Asphodèles », du nom de ces fleurs méditerranéennes aux racines comestibles, où l’archet du violoncelle est porteur d’une jolie flamme. Dans ce quintet ouvert et très doux où la batterie de Samuel Ber sert de pivot solide et discret, c’est le timbre de la voix qui n’est jamais loin, des inflexions portées par Viret, bien entendu, mais aussi par la clarinette de Yann Lecollaire.
Avec cet orchestre, c’est toute la jeune garde de Bruxelles qui s’impose, en jouant une musique légère, fraîche et très consonante où la douceur prédomine, à l’instar de « Nef » où la clarinette et le violoncelle, clés de voûte de l’ensemble, sont bien soutenus par les pizzicati de Cassagne. Le contrebassiste est de ceux qui font jouer ses partenaires ; il trouve en de Backer un double idéal, qu’elle soit au saxophone ou à la clarinette basse. « Écorce », avec sa finesse où cordes et peaux se mêlent est un exemple de cette complémentarité. La multianchiste n’a pas ici ce profil de rupture qu’elle sait avoir, mais est au contraire le liant d’un orchestre qui se plaît dans la pénombre, dans ces heures orangées ou livides où le soleil joue avec sa ligne de flottaison.
C’est un point commun que l’orchestre a avec son animal-totem, la barbastelle. Cette petite chauve-souris est fidèle à ses lieux d’hibernations, et l’on sent au sein du quintet un goût pour les endroits chaleureux et familiers, envisagés avec beaucoup de douceur. Le titre de l’album fait référence à un vent de nord qui sévit sur les Balkans, entre mer Égée et Méditerranée, et les endroits qu’évoquent « Limon d’éclat » ou « Rive de basalte » ont l’atmosphère épicée de ces vents de nord tout en conservant leur esprit de rocaille adoucie par le temps et une érosion pleinement incarnée par la batterie de Ber. Paru sur le beau label berlinois Aut Records, Vestige Étésien est le genre de disque qui se savoure sur le temps long, en profitant de ses moments paisibles et réconfortants.