Scènes

Bricolage : nouveau pont aérien vers Berlin

Avec la COVID-19, la musique vivante est devenue plus virtuelle. Des artistes américains et berlinois se projettent au-delà de Zoom.


La pandémie a forcé les musiciens à faire preuve de créativité, l’objectif étant d’avoir l’opportunité de continuer à se produire. Si beaucoup de ces concerts en ligne seront amenés à disparaître lors du retour à la normale, une nouvelle initiative pourrait très bien se révéler plus durable.

Ken Vandermark © Michel Laborde

En novembre 2020, Irmi Maunu-Kocian de l’Institut Goethe de Chicago contacte le saxophoniste Dave Rempis. Ils se connaissent depuis les beaux jours de l’Umbrella Festival qui invitait des musiciens européens à venir de l’autre côté de l’Atlantique dans le but d’initier des collaborations avec les acteurs de la scène locale. Cette fois-ci, l’idée est de produire des œuvres diffusées en ligne et associant des artistes de Chicago et de Berlin.

La proposition de Maunu-Kocian séduit immédiatement Rempis. « Elle vient combler un vide », explique ce dernier. « Les scènes de Chicago et de Berlin ont de nombreux points communs et, pourtant, les musiciens ne se connaissent pas bien ». En outre, « il ne s’agit pas d’avoir des musiciens jouant ensemble via Zoom chacun dans son salon ». Le but est en effet de présenter un projet d’une quarantaine de minutes – dont la structure est à la discrétion des participants – suivie d’une interview d’une demi-heure.

Le 19 mars 2021, la première représentation réunit le saxophoniste/clarinettiste Ken Vandermark au trompettiste libanais Mazen Kerbaj. Une vidéo alterne photos de Vandermark et dessins de Kerbaj. La bande-son a fait l’objet d’allers-retours incessants pendant deux mois, les deux collaborateurs d’un jour se renvoyant les fichiers audio à tour de rôle. Vandermark reconnaît qu’il en a sué car les aspects techniques ont constitué une véritable découverte. Bon an mal an, nos deux cobayes s’en sont bien tirés avec des visuels habités par le mystère sans manquer d’élégance et une musique où des échanges intenses à la mitrailleuse succèdent à des passages plus élégiaques ou cinématographiques.

Mazen Kerbaj © Stewart Mostofsky

Si Rempis avoue qu’il ne se risquerait pas lui-même dans une telle aventure, le challenge ne semble pas effrayer d’autres musiciens. Selon la pianiste Magda Mayas qui coordonne les activités du côté berlinois, « le bouche à oreille fonctionne à merveille et je n’ai aucun mal à trouver des volontaires ».

Mayas et Rempis coordonnent les activités avec l’aide de deux partenaires : ausland à Berlin et Elastic Arts à Chicago, qui apportent une aide technique aux artistes et s’occupent de la promotion des « concerts », diffusés deux fois afin que les publics américain et allemand puissent en profiter à une heure de grande écoute. De son côté, l’Institut Goethe rémunère les artistes et finance la technique.

La subvention accordée à cette série de concerts trimestriels est garantie jusqu’à la fin 2021, mais les organisateurs n’écartent pas l’idée de poursuivre l’expérience au-delà. L’avenir nous le dira. En attendant, le prochain rendez-vous est fixé au 18 juin avec les chanteuses Carol Genetti et Ute Wassermann.