Sur la platine

Nouveauté de la rentrée de la Fundacja Słuchaj


Parmi les récentes sorties du label polonais Fundacja Słuchaj, quelques nouvelles références attirent l’oreille et positionnent une nouvelle fois l’Europe comme un territoire fertile en matière de musique improvisée créative.

Toujours accessibles physiquement par disque, les enregistrements du label polonais Fundacja Słuchaj sont intégralement écoutables via bandcamp. De quoi satisfaire les oreilles les plus exigeantes, d’autant plus que le label n’est pas avare en nouvelles propositions. Sortis mi-août ou mi-septembre, de nouveaux disques viennent enrichir un catalogue déjà impressionnant par sa qualité et son homogénéité.


Deep Resonance / Ivo Perelman & Arcado String Trio
Le saxophoniste brésilien - l’homme qui sort des disques plus vite que son ombre -, propose un enregistrement au côté d’un trio de all stars. Mark Dresser, Mark Feldman, William H Roberts. L’Arcado String Trio n’avait pas œuvré depuis de nombreuses années, sa dernière production remonte à 1995. Actifs depuis la fin des années 80, cette formation est adepte d’une musique ultra-contemporaine où la dissonance et les grincements sont de mise. Souvent improvisée, elle se situe toutefois dans le prolongement d’un Ligeti ou d’un Bartok. Ivo Perelman, à qui on peut parfois reprocher un bavardage free, est ici canalisé par les échanges avec ses partenaires. Le propos est ferme, souvent charnel et sait ce qu’il a à dire avec vivacité. La profondeur de champ et la dynamique permanente font de Deep Resonance une réussite.


Tempranillo / Evan Parker & Agustí Fernández
Tempranillo date de 1996 ; il constitue le premier enregistrement en duo de l’Anglais Evan Parker et de l’Espagnol Agustí Fernández. Presque 25 ans d’âge et la capacité à inventer des timbres neufs proprement inouïs saisit toujours chez ces ces deux sorciers du son, capables, de surcroît, de dérouler un set équilibré. Course-poursuite, éloignement puis choc. Quand le Nord rencontre le Sud.



Tales From / Frode Gjerstad, Fred Lonberg-Holm, William Parker, Steve Swell

Plus violent, plus acrimonieux. Le quartet qui rassemble le Norvégien Frod Gjerstad au saxophone et les Américains Steve Swell au trombone, William Parker à la basse et Fred Lonberg-Holm au violoncelle. Adeptes, eux aussi, d’une musique libre, les interactions et les alliances éphémère sont nombreuses. Cordes contre soufflants, basses lourdes contre aigus plus mobiles, les configurations changent dans cette musique tendue, parfois doloriste mais qui emporte par son engagement violent et capiteux.


Swords / Pauli Lyytinen / Maciej Garbowski / Krzysztof Gradziuk
Jolie découverte que le trio du saxophoniste finnois Pauli Lyytinen. Entouré des Polonais Maciej Garbowski à la contrebasse (entendu dernièrement en France au côté de Peter Orins et Ivann Cruz) et Krzysztof Gradziuk à la batterie, la formation est équitable et privilégie l’espace et le déroulement d’idées travaillées dans un état de lenteur. La contrebasse solide joue le rôle de pilier inamovible tandis que la batterie furète et que le saxophone creuse un son généreux au grain épais quoique tonique. Pauli Lyytinen est également à la tête de Magnetia Orkesteri (orchestre évoluant à la frontière d’un jazz traditionnel et d’un free arrondi) ; ici il s’exprime librement, sans forcer le trait, sans surjouer, et déroule une musique enjôleuse et languide.


Improcode / The Owl (Marcin Hałat / Maciej Garbowski / Krzysztof Gradziuk) feat. Pablo Held
Trio entièrement polonais cette fois, The Owl reprend la même paire rythmique que celle précédemment citée pour ce deuxième disque chez Fundacja Słuchaj. Maciej Gabrowski et Krzysztof Gradziuk s’associent au violoniste Marcin Hałat . D’une grande culture musicale, à l’aise également dans le monde classique, ce dernier développe une technique précise qui lui permet d’ouvrir un large éventail de possibilités. Dans un contexte radicalement ouvert, le trio invite le pianiste allemand Pablo Held (qui travaille également au côté de Nelson Veras). Piano et violon se complètent avec beaucoup de poésie. Des lignes mélodiques jaillissent et se perdent dans des pièces plus improvisées où les cordes se tendent et crissent sur des nappes de piano intrigantes. Le tout sur le tapis instable mais pulsatile de la rythmique. Une musique chambriste aérienne qui flotte à la surface des choses avec délicatesse.