Chronique

Get The Blessing

OCDC

Jim Barr (b, g), Clive Deamer (dms), Pete Judge (tp, flh, fl, fx, melodica), Jake McMurchie (saxes, vibes, fx), Adrian Utley (g), Robert Wyatt (voc, 2), Clair Hiles (p,3), Richard Barnard (arr, 3)

Label / Distribution : Naim Jazz

Rendus célèbres sur le continent l’année dernière par leur second album, Bugs in Amber, le quartet britannique Get The Blessing s’appuie principalement sur sa puissante base rythmique, composée du batteur Clive Deamer et du formidable bassiste Jim Barr : c’est celle du très célèbre Portishead. Il y avait peu de rapport entre les deux, mais l’interface a permis à ce groupe, et c’est tant mieux, de débarquer ici.

Paradoxalement, la parenté est rarement évoquée quand Adrian Utley, guitariste historique de Portishead, rejoint le groupe le temps d’un album… Pourtant, l’atmosphère sombre et feutrée d’« Adagio in Wot Minor », portée par la lente plainte évanescente de sa guitare, est très évocatrice du groupe de Bristol. Au point qu’on s’attend à entendre soudain la voix de Beth Gibbons (chanteuse de Portishead) en lieu et place du saxophone de Jack McMurchie. De la même façon, sur le très pugnace « Low Earth Orbit » où s’illustre l’énorme basse de Barr et le travail d’unisson très efficace du saxophoniste et du trompettiste Pete Judge, on retrouve ces petites dérivations électroniques qui fondent l’atmosphère familière aux deux groupes. Les heurts électriques de la guitare, comme le soudain traitement fuzz de la basse, précipitent en un instant la musique dans un ton plus acide et ténébreux, sans pour autant se départir d’une réelle efficacité. En témoigne le tout début du disque, le jouissif « OCDC » (voir la vidéo), où la batterie et la basse fondamentalement binaires s’ingénient à accélérer sans cesse le tempo sans que ni le saxophone ni la trompette se laissent distancer.

Plus que jamais Get The Blessing cherche à faire parler d’une seule voix sa rythmique clairement rock et les bulles de jazz de ses soufflants pour trouver de nouvelles couleurs. De la rudesse initiale naît l’élégance intrinsèque de ceux qui ne s’embarrassent d’aucune barrière. On n’est donc guère surpris de découvrir Robert Wyatt en invité sur « American Meccano », le morceau le plus marquant d’OCDC. Au milieu des oiseaux, le magicien de Canterbury chantonne. En un murmure, le charme opère. Le propos s’éclaire et acquiert sa cohérence. La présence de Wyatt n’est pas ici une dédicace sympathique, pas plus qu’une caution artistique - elle contribue à la mise en perspective. Bien sûr, on retrouve au premier plan la rythmique appuyée qui est la signature du groupe, décuplée par le baryton râpeux de McMurchie, mais cela n’enferme en rien ce morceau aérien et lumineux où Wyatt semble dans son jardin… Dans les années 90, beaucoup ont cru percevoir une analogie entre certains groupes placés de force sous l’étiquette trip-hop, d’une part, et d’autre part la mouvante École de Canterbury. Il est possible qu’avec OCDC, on découvre un chaînon manquant tardif, placé sous l’universaliste onction du jazz.