Chronique

Octurn

Veress variations

Bo van der Werf (bs), Joris Roelofs (bcl), Jozef Dumoulin (kb, elec), Fabian Fiorini (p), Dré Pallemaerts (d) + Laure Bardet (vln), Esther Coorevits (vla), Eugénie Defraigne (cello).

Label / Distribution : PeeWee !

De retour au disque après une pause de six ans, la formation belge présente un projet ambitieux qui correspond pleinement à la ligne investigatrice qui est la sienne. À l’instar de ses collaborations avec les moines bouddhistes du Monastère Gyuto, le gamelan avec l’ensemble Ictus ou encore de son travail avec les structures XP de Malik Mezzadri, le quintet, principalement dirigé par le saxophoniste baryton Bo van der Werf, met cette fois en lumière le Hongrois Sándor Veress (lire notre entretien avec Bo van Der Werf).

Trop vite placé dans l’ombre de Bartók, Kodály ou Ligeti, ce compositeur a pourtant su développer un langage propre dont le trio à cordes Per Archi de 1954 fait ici l’objet d’une réappropriation à travers un hommage respectueux et une complète relecture. Autour d’Eugénie Defraigne au violoncelle, Laure Bardet au violon et Esther Coorevits à l’alto, qui se sont constituées en trio pour l’occasion et ont fourni un notable travail de précision, Octurny distille son univers en réagissant à la partition originelle.

Ainsi, les cordes délicatement vives et sérielles jalonnent le parcours et forment le sous-texte palimpseste qui émerge à intervalles réguliers tel qu’en lui-même et dessine la trame de fond du répertoire. Sur des arrangements de Jozef Dumoulin, Fabrice Fabioli ou bien sûr Bo van der Werf, le quintet reprend ensuite le propos dans un prolongement s’opposant non pas aux couleurs grisées de Veress, mais instillant au contraire de nouvelles dynamiques, étranges, oscillantes, où affleurent, au milieu d’un magma électronique et d’un piano pointilliste, un baryton ouaté ou au contraire, la clarinette basse, lyrique et contenue, de Joris Roelofs (membre du Vienna Art Orchestra et leader d’un trio apprécié ici).

Propulsé par l’indispensable rythmique de Dré Pallemaerts qui confère au programme ce qu’il faut de tonicité, Veress Variations ne cherche pas à trancher la querelle des anciens et des modernes ; c’est au contraire une réconciliation, un pas de côté vers un terrain jamais défriché et qui met en place les conditions d’un échange anhistorique entre des univers aux modalités certes dissemblables, mais qui parviennent à se compléter, à se répondre, en un mot dialoguer.