
Avec Chamber Works, nous annoncions pour le Potsa Lotsa XL de Silke Eberhard des directions nouvelles ; le tentet nous donne raison avec ce nouveau Amoeba’s Dance en précipitant encore davantage l’orchestre dans un dialogue très contemporain illustré par « Reticulate » où le piano d’Antonis Anissiegos travaille une phrase musicale très circulaire qu’élargit le vibraphone de Taïko Saïto, toujours aussi pertinente. Cette antienne, on la croit reprise à l’identique dans « Orthostatic », avec cette fois-ci le travail du tromboniste Gerhard Gschlößl et du batteur Kay Lübke, fidèles d’Eberhard. Mais tout ceci n’est qu’illusion et infiniment petit. Ce morceau, sensiblement plus long que les autres, envisagés comme des précipités de l’orchestre, est plongé dans une atmosphère étrange et pleine d’espace. « Palmate », qui lui fait suite, démarre sur un solo d’Igor Spallati qui recherche une sorte d’infinitude au milieu du silence, comme si le XL ne concernait pas seulement la taille de l’orchestre.
Pourtant, amoeba, l’amibe en français, est le roi de l’infiniment petit. C’est dans cette dimension que l’orchestre a décidé d’évoluer dans ses courtes vignettes, que ce soit dans le dialogue entre la contrebasse et la trompette de Nikolaus Neuser que dans les tutti d’un orchestre qu’Eberhard dirige sans se mettre en avant. On a le sentiment tout au long de cet album que le travail sur le son, un travail collectif et discret, est au centre des débats. Avec « Lingulate », le Potsa Lotsa XL revient à des destinations moins contemporaines et brille justement par ce goût de l’espace et d’une danse sereine et sûre d’elle, avec beaucoup d’élégance.
Chaque morceau de cet Amoeba’s Dance est une nouvelle ronde collective. Certains ne dépassent qu’à peine la minute mais nous entraînent dans un univers avec de nouveaux pas. Ce qui étonne ici, c’est la grande rigueur d’un orchestre totalement à la main de la saxophoniste allemande et capable de la suivre dans chacune de ses envies. « Rhizomonotactic », avec ses airs de musique de chambre, n’a qu’une poignée de secondes pour s’installer [1] et décrire un nouvel univers quelques secondes avant « Rugose » et ses couleurs abstraites, mais parvient à nous emmener avec lui. Voici le tour de force de ce qui est, sans nul doute, un des meilleurs grands formats européens, en droite ligne de Berlin.