

Quinsin Nachoff
Stars and Constellations
Quinsin Nachoff (ts), Mark Helias (b), Dan Weiss (d) + Bergamot Quartet + Rhythm Method Quartet.
Label / Distribution : Auto Productions
On ne sera pas surpris, après avoir découvert il y a quelques années son passionnant Pivotal Arc, de lire dans les notes de pochette de Stars And Constellations que le saxophoniste originaire du Canada Quinsin Nachoff fut dans sa prime jeunesse influencé par Bartók entre autres. Sa musique, et notoirement la notion de profondeur et le travail contrapuntique que l’on entend sur la pièce centrale « Pendulum » transpire la connaissance aiguë de la musique écrite occidentale par le compositeur, et la révérence tirée à quelques maîtres, dont Messiaen n’est jamais loin. De quoi parler de Third Stream ?
Le mot n’a peut être plus cours, mais le travail du Bergamot Quartet sur « Stars And Constellations : Scorpio », bien souligné par la batterie fidèle de Dan Weiss s’inscrit dans une tradition de jazz ouvert à une œuvre concertante ; lorsque Nachoff entre en jeu avec la contrebasse impeccable de Mark Helias, c’est pour bousculer un quartet dominant ; c’est Helias qui va introduire une entropie dans cet évocation du Scorpion libérant une parole plus heurtée dominée par le trio de Nachoff, où Bergamot se débat. L’évocation des signes du Zodiaque fait naturellement penser au travail de Mary Lou Williams. Qu’on ne s’y trompe pas, même si la notion mythologique à certainement son importance, c’est bien aux étoiles que s’adresse le saxophoniste, avec toute la cosmogonie nécessaire, en témoigne l’échange tellurique entre Weiss et le ténor dans le dernier tiers du morceau. Il en sera de même avec « Stars and Constellation : Sagitarrius » au ton plus nébuleux, le travail du quartet s’avérant plus morcelé, offrant une nappe rugueuse à un Nachoff chaleureux.
C’est avec « Pendulum » que Quinsin Nachoff équilibre un album d’une grande finesse, entre l’incandescence du Scorpion et la souplesse du Sagittaire. Au Bergamot Quartet s’ajoute ici un deuxième quatuor à cordes, le Rhythm Method d’Erica Dicker, violoniste coutumière de Braxton et Pavone. Ce qui pourrait être une orgie de cordes n’a pas un poil de gras. À bien des égards, ce morceau est un précipité des idées de Nachoff, sur le rythme et la composition. Si les deux quatuors semblent souvent en lutte, c’est avant tout pour garder un cap dans les constantes accélérations et décélérations engagée par la base rythmique et un saxophoniste qui aime flirter avec le chaos. Stars and Constellations est un disque brillant qui couronne l’écriture du canadien. Une direction prise qui annonce aussi de belles choses à venir.