Chronique

Matt Mitchell

Phalanx Ambassadors

Matt Mitchell (p, Mellotron, Prophet-6), Miles Okazaki (g, eg), Patricia Brennan (vibraphone, marimba), Kim Cass (b), Kate Gentile (dm)

Label / Distribution : Pi Recordings

Repéré chez Tim Berne (il est un des piliers de son Snakeoil) et musicien demandé dans les projets les plus ambitieux, l’Américain Matt Mitchell souffrait, jusqu’à présent, de ses nombreuses qualités dès lors qu’il officiait en leader. Son jeu volubile et des compositions foisonnantes finissaient pas épuiser les oreilles les plus volontaires. Entouré de personnalités qui cautionnent pleinement la direction artistique, il semble avoir trouvé avec ce nouveau groupe une forme qui canalise son énergie et donne corps à son propos.

Produit par David Torn, le son massif déborde de toutes parts en maintenant un cap clair. Concentrant toutes les volontés, une épaisse ligne collective est tordue en tous sens, érodée dans le même temps par la modulation des contrechants. S’élevant à partir des fondations que posent la basse écrasante de Kim Cass et le clavier puissant du pianiste, son avancée inexorable est policée par la guitare de Miles Okazaki qui vient ficher quelques incises à l’édifice par de discrètes et étranges circonvolutions. La présence, in fine, du vibraphone ou marimba de Patricia Brennan ajoute une aura de mystère et d’instabilité à une musique qui se construit comme en s’effondrant sur elle-même. Les tensions et les forces en opposition, en effet, semblent en permanence s’annuler ou se consolider et ces mouvements internes permanents confèrent une dimension organique à l’ensemble, rendant le projet plus monstrueux encore.

Propulsées par la batterie sèche de Kate Gentile qui active le tout avec fièvre, les interventions solistes, pas toujours décelables d’un premier abord, jaillissent comme des fusées sorties d’un magma. Elles replongent ensuite dans le grand chaudron et poursuivent le plan de route. Car, organisée en trois longues suites, la structuration des morceaux a son importance et l’audace des stratégies harmoniques participe pleinement de la réussite générale. Leurs progressions heurtées prennent de l’ampleur avec obstination et de l’insistance naît un phénomène de saisissement qui ne peut que séduire pour peu qu’on s’y abandonne. Dans ce maelstrom résident des moments de pure énergie qui sont les climax du répertoire (sur “Mind Aortal Cicatrix” notamment). Des titres plus rampants comme le long “Phasic Haze Ramps” n’en réservent pas moins des plages d’intensité pure qui achèvent de donner à ce disque une belle envergure.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 24 novembre 2019
P.-S. :