Tribune

To be or NOUT to be (two)

Carnet de route de la tournée norvégienne de NOUT, suite.


Nout © Clara Lafuente

Dans le cadre du dispositif européen Better Live, le trio français NOUT a été programmé pour une tournée en Norvège, sous l’égide de Victoria, la scène nationale de jazz d’Oslo et son directeur artistique Øyvind Larsen.
Une dizaine de jours et autant de concerts, organisés dans la foulée et avec un cahier des charges écologique pour limiter l’empreinte carbone.
NOUT en tournée norvégienne, un carnet de voyage de Rafaelle Rinaudo en deux épisodes. (Lire le premier épisode.)

Le royaume d’Arendal
Le voyage pour Arendal a été dingue. Nous décidons le matin du départ de travailler dans les transports. Peine perdue. Le train et le bus passent sur des ponts au-dessus des différents fjords de la côte. Le paysage est absolument magnifique. Toutes nos phrases sont interrompues de « Ouaaaaaaaah ! Les filles, regardez ce paysage… »
Autant vous dire qu’on n’est pas très efficaces dans le boulot.
À Arendal, la ville qui porte le même nom que celle de la Reine des Neiges (enfin presque), nous nous attendons à trouver un château.
Grosse déception : non seulement il n’y en a pas, mais aucune référence au personnage dans la ville n’est présente. La seule chose qui ressemble au château, c’est l’église du centre qui a également un centre commercial au-dessous.

Arendal, c’était beau quand même. On ne va pas râler non plus. Le fjord rentre dans la ville, on peut prendre de petits bateaux pour aller d’une rive à l’autre. Il y a un parc naturel magnifique au bord de la mer et un sauna dans la forêt.
On visite tout, même le sauna. Notre fan d’escalade, Delphine, réussit à se trouver un spot à côté de la mer dans un parc naturel.

Le soir on joue dans un super club. On a des balances rapides et efficaces, et l’ingénieur du son nous fait un son de dingue, celui qu’on adore, c’est-à-dire une alternance d’acoustique mignon et de ronflements de tracteur.
Deux choses sont tout à fait remarquables et très appréciables pour nous trois (enfin un truc intelligent à raconter) : les ingénieur·es du son locaux ont une grande culture métal, et les norvégiens sont très investis dans leurs « jazz club ». Nous avons chaque jour des discussions très enrichissantes sur la musique.

À Arendal, nous sommes accueillies par Anders qui nous annonce que c’est son dernier concert en tant que président du jazz club, après 20 ans de bons et loyaux services. On décide de ne pas le décevoir, et on joue tout le répertoire de NOUT, soit 1h20 de musique. Après le concert il nous dit que pour lui ça a été un GRRRAND FINAL (chers amis lecteurs, roulez les rrrr siouplé).

Changement d’hôtel, douche, petit dodo, petit déj, étirements, visio avec la famille, café, tartines, voiture, sieste dans la voiture, sms dans la voiture, re-sieste, et nous voila à Christiansand.

À Christianisand, le concert se déroule dans un club qui se trouve dans une cité universitaire. On s’installe à même le sol pour être au niveau du public. L’ingénieur du son nous accueille en nous parlant de Meshuggah, donc très vite nous en déduisons qu’il nous fera un son approprié, et c’est le cas : même si le lieu est petit, nous avons un son et un volume dignes du Hellfest.
Les étudiants dans le public sont très enthousiastes et nous profitons de l’après-concert pour partager avec eux les effets, les pédales et le set que nous avons.

Le dernier soir, nous jouons à Skien dans un club de jazz (un de plus) qui est aussi une galerie d’art (une de plus).
La fatigue commence à se faire sentir car nous faisons la sieste dans les housses d’instruments. Pendant les balances, un live que nous avons enregistré pour KEXP pendant les Transemusicales de Rennes a été posté sur les réseaux. Les téléphones se mettent à vibrer au son des notifications toutes les deux secondes pour nous informer des réactions des abonnés sur les réseaux.
Le temps de faire le concert et nous avons 1500 abonnés de plus.

Le fantôme très bruyant
Le soir nous dormons dans un hôtel hanté. AAAaaaaaaaah, voilà enfin un vrai sujet qui va faire cliquer du lecteur sur notre blabla de voyage.
Oui, vous avez bien lu. Nous dormons dans un vrai hôtel hanté.
Le runner qui nous ramène de la salle d’hôtel nous prévient que l’hôtel est spécial, le directeur de la salle aussi. Quand on arrive à la réception on décide de « cuisiner » la personne qui accueille les clients. Miracle, pas besoin d’utiliser la force ou des subterfuges divers : elle se met à table direct.
Alors voila le topo : un écrivain assez connu en Norvège a fait mourir l’un des personnages principaux d’un de ses romans dans cet hôtel (oui, bon, à 1h du matin, je ne retiens pas toutes les infos, désolée).
Bref, le gars précise quel jour ledit héros décède dans l’hôtel.
Et là, les choses deviennent très troublantes, car cet auteur, meurt quelques années plus tard, au jour et à l’endroit où il avait prévu la mort de son personnage. Arrêt cardiaque. Bim.
Sauf que son fantôme revient hanter le lieu et la chambre (qui est condamnée au bout de quelques temps), et, apparemment notre fantôme est très bruyant.
Nous vérifions avec les filles que la chambre maudite n’est pas à notre étage (non, nous ne sommes pas des casses cou).
Nous enchaînons les questions pour avoir plus d’informations : nous apprenons que le salon du petit déjeuner est hanté également et qu’il ne faut pas s’offusquer. Après toutes ces découvertes, nous montons nous coucher. Bon, je ne vous cache pas qu’on a toutes les trois les yeux et les oreilles ouverts jusqu’à 4h du matin à guetter le moindre bruit afin de démasquer ce fantôme. Le lendemain matin nous faisons un vrai concours de taille de nos cernes. C’est pas joli-joli. Heureusement que le voyage s’achève, nous dormirons dans l’avion.

Pique-niques oubliés
Je vous passe les histoires de merchandising, le QR code vers le PayPal de Gigantonium qui ne marchait pas tout le temps (ça doit être un coup du fantôme de skien), le taux de change qui comme son nom l’indique change tout les jours et les Norvégiens le vérifient, donc, les prix que nous avions mis en couronne et euros ne correspondaient pas entre eux tous les jours (maudit fantôme !), la valise de Delphine qui ne veut plus rouler quand nous arrivons à l’aéroport, les cafés lyophilisés qui se renversent dans les pédales d’effet, les piques-niques oubliés qui pourrissent dans les sacs à dos…

Le tour a été green de chez green, on vous le garantit. Pourquoi ? Parce que nous avons tout fait en transports en commun, sans alcool et en mangeant de la nourriture végétarienne.
Est ce que ça a été difficile ? Pas tant que ça finalement.
Avec la harpe j’appréhendais tous ces trajets, finalement ça n’a pas posé de problème. Cependant, je peux concevoir que la même tournée avec des transports en commun bondés aurait pu être difficile.

« cherchez la harpe dans l’image »

On a joué le jeu jusqu’au bout pour tester, puisque nous avions emporté des couverts Tupperware et Thermos que nous remplissions aux petits déjeuner des hôtels (ça évite d’acheter de la nourriture suremballées de plastique dans les gares et de manger des choses qui ne sont pas bonnes pour la santé).

Quand nous nous asseyons le 11 avril dans l’avion, nous sommes heureuses mais fourbues. Nous n’avons démasqué aucun fantôme ou agent double, mais nous avons rencontré des personnes qui nous donnent envie de continuer, nous avons la conscience plus tranquille vis-à-vis de la planète. Delphine avait des propositions de concerts qui arrivaient grâce à la diffusion du live KEXP la veille au soir : bref l’aventure continue.

To be or NOUT to be, that is the question.