Chronique

Wintsch Weber Wolfarth WWW

Thieves Left That Behind

Wintsch Weber Wolfarth

Label / Distribution : Veto Records

Double surprise que ce nouvel album issu de la série Exchange chez Veto Records [1]. D’abord parce qu’il s’agit seulement du second volume sans Erb, après la Luzern-Chicago Connection. Mais aussi - et surtout -, il ne concerne ni l’une ni l’autre ville, et c’est la première fois. L’échange n’est pas transatlantique mais interfédéral : le claviériste Michel Wintsch est de Genève. Le bassiste Christian Weber et le batteur Christian Wolfarth sont de Zürich. Une rencontre en dehors des habitudes de la collection mais qui ne met pas à mal la couleur générale. Dès les premières notes de « Schgreen », les synthétiseurs viennent fébrilement habiller une contrebasse profonde et on retrouve la musique très abstraite et spontanée qui est celle du label depuis bientôt cinq ans. Le propos est nébuleux, abyssal. On se sent très vite projeté dans une autre dimension.

Michel Wintsch navigue aux confins de la musique contemporaine et du jazz. Après avoir longtemps travaillé pour le cinéma et s’être nourri de rock progressif, c’est un compagnon régulier de Gerry Hemingway, notamment au sein de leur trio avec Bänz Oester. Toutes ces aventures forgent le son du groupe WWW, où chacun cherche à colorer l’instrument de l’autre. Le discours est, ainsi, purement collectif : on peine parfois à démêler les instruments acoustiques des nappes de claviers (« Thirsty Mate »). On songe vite à ce que Manuel Mengis a pu proposer récemment avec Le Pot, mais dans une lecture plus caverneuse et tortueuse. La relation entre Wolfarth et Wintsch, subtile et hallucinée (« A Thing is A Thing ») en est une base que Weber se plaît à malaxer et qui constitue le cœur du trio.

Thieves Left That Behind est le quatrième album de cette formation, mais la forme est inédite car c’est la première fois que Wintsch délaisse absolument son piano pour ne jouer que des claviers synthétiques ou électriques. Ce changement ne marque certes pas une rupture, mais une évolution vers un son beaucoup plus alcalin que celui du concert à Willisau paru en 2014 chez HatHut. Les morceaux sont courts et terriblement nerveux. L’usage de l’électronique rapproche paradoxalement WWW des autres groupes de Veto Records (Lila, notamment) paru en dehors d’Exchange. Une recherche de cohérence qui, certes, brouille un peu les pistes de la collection, mais affirme la liberté du label.