The Workers
Saarbrücken
Urs Leimgruber (ss), Omri Ziegele (as, nai, voc), Christian Weber (b), Alex Huber (dms)
Label / Distribution : Wide Ear Records
Après un premier album, Altbüron, sorti déjà sur le label Wide Ear Records (WER) du batteur Alex Huber, le quartet suisse The Workers propose un nouvel enregistrement live sobrement appelé Saarbrücken, du nom de la ville allemande qui accueillait l’orchestre en festival. Conçu d’un seul tenant, le morceau-titre est une improvisation turbulente. « Saarbrücken » passe par de nombreux états où la batterie comme la contrebasse de Christian Weber constituent une base véhiculaire. Sans cependant passer au second plan, le jeu nerveux de Huber représentant un accélérateur supplémentaire, elle laisse surtout la place aux deux phénomènes soufflants Urs Leimgruber et Omri Ziegele qui bousculent la linéarité même de l’ensemble.
Il peut être, dans un premier temps, assez étonnant de voir Ziegele dans un tel contexte. Son trio Where’s Africa, ou même Billiger Bauer, pourtant plus proche d’une certaine contemporanéité, n’avait pas la couleur radicale de The Workers. Mais son dialogue avec Leimgruber est riche, dense et toujours inattendu. Sur le fil tendu par la contrebasse nerveuse, on trouve même dans l’alto des traces coltraniennes, comme des pollens prêts à fertiliser et qui donnent à l’ensemble un ton fiévreux ; à fortiori lorsque Ziegele se met à déclamer des phrases passionnées qui changent la physionomie du concert, offrant à Huber l’occasion d’emmener le quartet dans des zones intranquilles où Weber passe à l’archet. Ziegele en abandonne le saxophone pour le nay. La joute des anches prend une tournure moins incarnée, imprévisible, comme une brume tombant très soudainement.
Dans ce genre d’exercice, Urs Leimgruber est parfaitement dans son jardin. Le soprano s’époumone, les anches sifflent, et sur un simple débordement il emporte avec lui la batterie qui pousse tout le monde dans le chaos. Dans un premier temps, on pensait le vétéran suisse en observation de ses camarades ; il n’attendait que le meilleur moment pour renverser la table. Et pour un orchestre comme The Workers, le meilleur moment ne pouvait être que naturellement collectif.