Chronique

Onze Heures Onze Orchestra

Volume IV

Alexandre Herer (Rhodes), Olivier Laisney (tp), Julien Pontvianne (ts), Sakina Abdou (as), David Chevallier (g), Amélie Grould (vibraphone), Maïlys Maronne (claviers), Fanny Ménégoz (fl), Thibault Perriard (dms)

Label / Distribution : Onze heures onze

Créé à l’origine, voici cinq ans, pour donner une visibilité à une scène francilienne en pleine découverte de ses capacités et désireuse de défendre une esthétique de création à partir d’un substrat commun convoquant les figures de Ligeti, Reich, Scelsi pour ne citer qu’eux, le Onze Heures Onze Orchestra continue sa progression à une vitesse de croisière qui ne faiblit pas puisque voici le quatrième volume de leur parcours.

Autour d’une distribution qui s’est stabilisée depuis le précédent volume, s’est même réduite (de 14 à 9 éléments) et féminisée depuis les deux premiers volets, l’ensemble continue de proposer une musique qui trouve son origine, voire son originalité, dans une approche théorique. Jeu sur les phénomènes de répétition, intégration de l’aléatoire venant perturber le déroulement des compositions, cellules rythmiques dissymétriques, croisement des lignes mélodiques, recherche harmonique et timbrale d’où se dégage une sensation d’étrangeté, le son du Onze Heures Onze Orchestra est en place et les instrumentistes les parfaits ouvriers de cette mécanique, à présent bien huilée.

Les compositions, signées Alexandre Herer, Olivier Laisney, Julien Pontvianne, Maïlys Maronne, Fanny Ménégoz, n’ont toutefois rien d’abscons. Le geste fluide, la capacité à investir avec élasticité les propositions les plus complexes rendent l’abord de cette formation toujours fortement sensuel. L’approche sensible du son, par exemple la piste « How Prince Kaya Made a Doll and Set it up in the Ricefields pt.1 » où le seul David Chevallier met le temps en suspens avec sa guitare, les sons hypnotiques du vibraphone de Amélie Grould doublés de basse synthétique, emportent l’auditeur vers des contrées rêveuses qui peuvent gonfler et emplir l’espace sonore sans jamais déborder. Plongé dans cette délicieuse atmosphère ouatée, on songe à la formule de Rimbaud : « J ’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse ».

par Nicolas Dourlhès // Publié le 13 février 2022
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