Chronique

Hearth

Melt

Susana Santos Silva (tr), Mette Rasmussen (as), Ada Rave (ts, clar), Kaja Draksler (p)

Label / Distribution : Clean Feed

Ce quartet international est né en 2016 à Amsterdam, l’un des pôles de la musique improvisée en Europe. Une rencontre fertile, puisque les quatre musiciennes, malgré leurs emplois du temps chargés – elles sont toutes impliquées dans des projets très demandés – ont monté un répertoire, disons plutôt une direction artistique puisque l’improvisation collective est ici le socle de leur monde.

On peut déjà s’attarder sur la démarche et le sens des mots. Hearth, le nom qu’elles ont donné à ce quartet, signifie le foyer, autant l’âtre que le lieu où l’on se sent bien. Mais la combinaison avec Hearth, des mots Heart (le cœur) et Earth (la Terre) n’est pas anodine, puisque revendiquée ici. Aussi, le contexte est cette chaude harmonie qui centre la musique dans un cocon terrien et chaud et qui parle de nous les humains.

Et puisqu’il s’agit de la Terre et de son humanité diverse, on entend dans cette musique de nombreuses couleurs et textures qui semblent venir de loin. Comment ne pas penser aux musiques des Pygmées et leurs polyphonies sur instruments monophoniques dans « Fading Iceberg », où chaque musicienne vient placer une note seule, l’une après l’autre.
De même, sur « In Oscillation » basé sur une lente montée en tuilage, on entend l’analogie avec le Pasi But But, le chant des Bunun de Taïwan. Il y a beaucoup à dire sur cette musique qui devient universelle à force de puiser à la source.
Outre le travail sur les textures et les sons, les longues notes étirées, les pointillismes rapides, les unissons et les vibratos, il faut écouter aussi les différents sons parasites nés des préparations d’instruments, de bruitage et même des voix parlées ou fredonnées. Ce sont comme les sonnailles des instruments d’Afrique, ces cliquetis bourdonnants qui enrichissent le son.

Hearth est un assemblage rare et précieux. Cela ressemble à une cérémonie, une veillée sûrement, un moment d’apaisement autour du feu. On se réchauffe, on se rassure. Avec ce disque Melt, la mer du Nord devient le centre du monde et les quatre musiciennes, Susana Santos Silva, Mette Rasmussen, Ada Rave et Kaja Draksler, inventent ici la musique d’un voyage intime, la bande-son de nos psychés.

par Matthieu Jouan // Publié le 23 mai 2021
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