Tribune

Les Danoises sont à l’alto

Lotte Anker parle des femmes saxophonistes et improvisatrices danoises dont elle est l’une des plus européennes représentantes


Lotte Anker © Tim Dickeson

Lors du festival de Copenhague 2019, la programmation présentait à plusieurs reprises des concerts avec Lotte Anker, Laura Toxværd et Signe Emmeluth, trois saxophonistes altistes danoises. Avec Mette Rasmussen, ces quatre musiciennes présentent une musique libre et énergique, sur le même instrument et venant du même pays. De quoi interroger Lotte Anker sur le sujet.

- Vous êtes considérée par les professionnels danois auxquels j’ai parlé comme un modèle pour les musiciennes et saxophonistes au Danemark. Que pensez-vous du rôle de leadership qui vous est confié ?

Je ne me vois pas comme leader d’un mouvement ou quoi que ce soit d’autre, sauf comme leader de mes propres groupes. Je pense que l’histoire signifie quelque chose ici : depuis ma jeunesse, j’ai toujours été très curieuse et attirée par un large éventail de musiques, y compris des formes expérimentales comme le free jazz, l’improvisation libre, la musique contemporaine composée, la musique non occidentale… Même si j’ai aussi suivi une formation plus « classique » dans le jazz à vingt ans.

Laura Toxværd © Peter Gannushkin

La scène à Copenhague et au Danemark était assez conservatrice au milieu des années 80 et dans les années 90, mais nous étions un groupe de jeunes musiciens explorant et expérimentant. Nous avons créé un collectif pour établir une scène alternative même s’il pouvait y avoir une résistance assez forte de la part de certains membres de la communauté jazz. J’ai aussi commencé à me produire sur la scène internationale, parce que je m’intéressais à d’autres sons et expressions musicales que ce qui était à l’époque les « grandes tendances » de la scène de Copenhague. A la fin des années 90, les tendances dominantes à Copenhague ont lentement commencé à changer : la libre expression, l’expérimentation, le croisement des genres ont connu un renouveau, surtout parmi la jeune génération de l’époque. Comme je travaillais déjà depuis plusieurs années sur ce terrain, j’ai ressenti un intérêt beaucoup plus marqué de la part des jeunes musicien.ne.s et du public de Copenhague en général. Et je suis très heureuse si j’ai aidé à inspirer de jeunes musiciennes.

- La scène du jazz et de la musique improvisée au Danemark vous semble-t-elle plus équilibrée entre les sexes que par le passé ?

Depuis les années 80, il y a eu plusieurs grandes musiciennes sur la scène jazz au Danemark. Mais dans le passé, il n’y en avait pas beaucoup qui travaillaient dans le free et l’improvisation - à part moi, mais je suppose que j’étais la plus tenace !

Marilyn Mazur, percussionniste et batteuse, doit être mentionnée ici aussi. Sa musique couvre un large spectre, mais est aussi très personnelle. Moins enracinée dans l’improvisation libre et l’expérimentation, mais c’est sûrement une personne qui a aussi inspiré de nombreux musiciens, hommes et femmes.

Signe Emmeluth © Peter Gannushkin

Aujourd’hui, la scène improvisée et expérimentale au Danemark est nettement plus diversifiée en matière de genre. Je pense que le mouvement vers plus d’ouverture de la scène jazz ici la rend, par ricochet, plus inclusive.

- Existe-t-il un style danois de saxophone alto ?

Eh bien… Je ne pense pas ! John Tchicai - qui fut aussi mon premier professeur - a été un musicien très important sur la scène danoise. Il a eu une grande influence sur beaucoup de jeunes saxophonistes, dont moi-même. Pas tant par sa façon de jouer que son approche de la musique et de l’improvisation. Le saxophone alto était son instrument principal, mais il est passé au ténor par la suite. J’ai moi-même joué du soprano et du ténor comme instruments principaux pendant de nombreuses années ; l’alto est seulement un nouveau membre de ma famille.

- Pouvez-vous dire quelques mots sur chacune de ces trois saxophonistes : Toxvaerd, Emmeluth et Rasmussen ?

Je pense que ce sont toutes de grandes saxophonistes et c’est vraiment bien qu’elles soient aussi très différentes dans leur expression musicale. Pour Laura et Mette, que je connais depuis qu’elles étaient étudiantes, c’est une joie de voir comment elles ont évolué en tant que musiciennes.