Le jazz part en campagne à Mazé
David Chevallier Trio et Christophe Monniot - Didier Ithursarry en concert
David Chevallier, photo Christophe Charpenel
La musique est un formidable accélérateur culturel. Particulièrement lorsqu’elle permet de découvrir des expressions artistiques contemporaines qui auraient peu de chance d’atteindre des publics éloignés des grands pôles urbains où elle évolue plus généralement. Témoins deux concerts, le trio de David Chevallier et le duo Monniot/Ithursarry qui ont enchanté l’été de la petite commune de Mazé-Milon dans le Maine-et-Loire, à quelques kilomètres d’Angers.
Tirons d’abord notre chapeau à ces petites associations qui quadrillent l’Hexagone et n’ont d’autre envie que de partager leur passion sur le lieu où vivent les bénévoles qui s’en occupent. À Mazé, joli bourgade de six mille âmes, La Note Bleue aime le jazz et propose des concerts avec parcimonie mais toujours justesse dans le choix de la programmation (Bénita/Codjia, LPT3, Wood, etc.) Proche, mais pas trop, de l’agglomération voisine qui absorbe tout, la musique trouve immanquablement sa place, il suffit de la lui donner. Et en matière de place, les endroits sont bien choisis.
- Christophe Monniot, photo Christophe Charpenel
Samedi 10 juillet : château et Chevallier.
Château de Montgeoffroy, David Chevallier Trio
Comme les paysans, les musiciens sont souvent dépendants de la météo. Deux heures avant le début du concert, la pluie tombe de manière ininterrompue. Annuler ou pas ? On hésite, on maintient à raison et quand le public arrive, les musiciens finissent tout juste de s’installer.
Placé dans la cour du château de Montgeoffroy, le trio est un orchestre de cordes. 27 au total : David Chevallier joue des guitares acoustiques (6 et 12 cordes font 18), du banjo (et 5 font 23) et Sébastien Boisseau de la contrebasse (et 4 font 27, le compte est bon). Ils reprennent le répertoire de Second Life , consolidé par la batterie en finesse de Christophe Lavergne.
Mélodies évidentes et constructions complexes, la musique circule, slalome entre les formes imposées et les espaces de liberté. Les choses coulent. Boisseau trouve les interstices pour placer entre deux riffs des ronflements de basses légers comme de la mousseline, Chevallier coud des liserés de notes cristallines de son style malléable qui sait se prêter à la personnalité des instruments et trouve moyen de rehausser les morceaux d’une phrase choisie qui reste en mémoire.
La formation est en confiance, solide d’une entente de plusieurs années maintenant (pratiquement dix ans d’existence et plusieurs dizaines de concerts a son actif). Demain, ils repartiront vers Strasbourg pour un nouveau programme en trio élargi. Laurent Blondiau sera de la partie pour un répertoire à découvrir. Ce soir encore, pourtant, on en profite pleinement. Derrière la scène, le château impose un cadre somptueux. Pour un peu, on s’imaginerait châtelain mécène recevant des artistes musiciens. Modestement simple spectateur, la soirée est un régal.
Dimanche 22 août 17h - L’être et lavoir
Lavoir de Fontaine-Milon, Christophe Monniot et Didier Ithursarry
Ambiance plus modeste mais champêtre dans le joli lavoir de Fontaine-Milon. Le duo est pourtant aristocratique : l’élégance à la française. Là encore une relation au long cours lie Christophe Monniot aux saxophones (sopranino et alto) et Didier Ithursarry à l’accordéon. Depuis Station Mir au moins, les musiciens se côtoient et les deux derniers disques en date (Hymnes à l’amouret Hymnes à l’amour deuxième chance sont une preuve supplémentaire d’une amitié durable. Ensemble, ils embrassent largement les musiques. Des chants bulgares à Leonard Bernstein ou une valse de Toni Murena, les compositions sont toujours gorgées de mélodies enchanteresses, légères comme des plumes, agitées par un art tonique du rythme.
Christophe Monniot, particulièrement en verve, annonce les titres à venir avec un humour décalé qui est le prolongement de son jeu volubile, drôle et généreux. Il nous entraîne dans les hauteurs en boucles virevoltantes avec une facilité exaltante. Le risque de chute est amoindri par le matelas sonore d’Ithursarry. Orchestre à lui tout seul, il ouvre, une, deux, voire trois voix dans le même temps et tout cela sonne comme un son collectif. Les musiciens sourient beaucoup et s’amusent, le public applaudit. C’est l’été.