Portrait

Lina Allemano, la combinaison idéale

Portrait documenté de la trompettiste canadienne et berlinoise


Ces dernières années, la trompettiste canadienne Lina Allemano a fait des allers-retours entre Toronto et Berlin, et a participé activement à ces deux scènes musicales très différentes. Elle fait ses débuts au JazzFest de Berlin en tant que leader le 6 novembre, avec ce qui est en fait le concert de lancement de l’album « Rats & Mice » de son groupe berlinois Ohrenschmaus.

Lina Allemano © Manuel Miethe

Ces dernières années, la trompettiste canadienne Lina Allemano a fait des allers-retours entre Toronto et Berlin, et a participé activement à ces deux scènes musicales très différentes. Elle fait ses débuts au JazzFest de Berlin en tant que leader le 6 novembre, avec ce qui est en fait le concert de lancement de l’album Rats & Mice de son groupe berlinois Ohrenschmaus.

Lina Allemano est heureuse d’être de retour à Berlin après plusieurs mois passés au Canada. Elle est inspirée par la scène de la capitale allemande : « Il y a tellement plus d’événements et davantage de choses à la marge, et même le simple fait d’être une artiste à Berlin est un tout autre sentiment : on peut être une artiste et personne ne remet cela en question ».

Ce sentiment est réciproque. Les organisateurs du JazzFest Berlin ont été renversés par la qualité de son groupe, et notamment de son nouvel album. Comme le dit la directrice artistique du festival, Nadin Deventer : « Le travail de Lina sur la scène berlinoise a attiré notre attention principalement grâce au trio d’improvisation international Ohrenschmaus. Il a été formé en 2017 avec ces deux chats virtuoses Michael Griener à la batterie et Dan Peter Sundland à la basse : Rats & Mice, leur premier album, est finalement sorti en mars de cette année ».

LIna Allemano’s Ohrenschmaus © Cristina Marx/Photomusix

Depuis 2013, Lina Allemano vient régulièrement à Berlin pour quelques séjours de trois mois chaque fois. Elle adore la scène berlinoise mais, comme elle le dit, « je n’ai pas pu, émotionnellement, lâcher mes projets de Toronto ».
Parmi eux, on peut citer un quatuor, le Lina Allemano 4, qui possède la même instrumentation que les quatuors classiques d’Ornette Coleman, et qui est un groupe de travail habituel depuis 2005. Il se développe, grandit, devient plus expérimental, trouve des structures musicales plus lâches et profite du temps passé par Lina Allemano sur la scène européenne.

Le désir de réconcilier des choses habituellement considérées comme opposées, de trouver facilement sa voie pour se situer avec autant de naturel à une extrémité comme à l’autre du spectre semble être la marque de fabrique de Lina Allemano. Cela a inspiré, par exemple, le choix des professeurs avec lesquels elle voulait étudier. Comme elle l’a expliqué dans une interview accordée en 2014 à l’un des plus grands journalistes de jazz canadiens, Peter Hum : « Avec Laurie (Frink, à New York), je voulais étudier la technique traditionnelle, mais avec Axel (Dörner, à Berlin), je voulais étudier la technique étendue. Les deux approches s’équilibrent parfaitement pour moi. J’ai toujours voulu trouver une façon de m’exprimer qui intègre les deux aspects des techniques traditionnelles et étendues, une sorte de mélange des deux ».

Cette capacité à être à la fois une joueuse « éduquée » dans la tradition nord-américaine tout en recherchant les possibilités sonores associées à la scène européenne de la libre improvisation est une combinaison rare, mais qui semble naturelle pour Allemano. Comme le décrit un observateur : « un caméléon, capable d’alterner facilement entre les scènes contemporaines et les scènes plus éloignées ».

S’il est un musicien qui connaît bien Allemano depuis qu’ils ont étudié ensemble, c’est le bassiste Andrew Downing, basé à Toronto. Il parle de sa progression : « La musique de Lina est devenue plus personnelle, plus proche de ses goûts ». Il note également le changement depuis qu’elle passe plus de temps en Europe : « Elle est devenue plus expérimentale d’un point de vue sonore ».

Il n’y a rien de sec ou d’académique dans la musique intensément engagée et passionnée qu’Allemano peut produire, et qui est très présente sur l’album Ohrenschmaus. Son travail l’a amenée à élargir l’échelle des possibilités expressives qui s’offrent à elle. Ce qui n’aurait peut-être pu se faire sans la quête résolue d’Allemano qui traverse les continents et réconcilie les contraires.

J’ai demandé à une figure centrale de la scène canadienne, et observatrice perspicace de celle-ci, la chanteuse Sienna Dahlen, de résumer ce que Lina Allemano apporte à sa musique. Dahlen a donné une réponse concise, exprimant ce qui est certainement la combinaison idéale et unique, rassemblée en une seule musicienne : « Compétence, grâce, vulnérabilité et conviction. »


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