Chronique

Staub Quartet

House Full of Colors

Marcelo Dos Reis (g), Carlos Zingaro (vln), Miguel Mira (cello), Hernani Faustino (b)

Label / Distribution : JACC Records

On ne peut nier que le guitariste Marcelo Dos Reis creuse un sillon. C’est un chemin rectiligne, tracé au cordeau, tendu comme un arc. Peut-être telle une corde résonante, allez savoir, puisque le sentier où il déambule est tout sauf inerte : sensible, frémissant, quelque chose qui tient davantage du boyau que du nylon, qui vit au gré des mouvements. C’est le sens de la musique proposée par le Staub Quartet, ensemble d’improvisateurs lusitaniens qui signent avec House Full of Colors leur premier album. Mais c’était aussi celui de Concentric Rinds ou même de Chamber 4, rencontre au sommet avec les frères Ceccaldi. Qu’elles soient pincées, frottées, ou qu’elles subissent toutes sortes de triturations, la confrérie des cordes est unie par la guitare, et ce n’est pas la présence ici de Carlos Zingaro, lumineux dans l’intense « Knots of Light », qui nous démentira. Son alliance de circonstance avec le violoncelle de Miguel Mira, gardien précautionneux de la pulsation aperçu aux côtés de Rodrigo Amado dans un rôle similaire, est étourdissante et fraternelle.

Chaque intervention de Dos Reis nous rappelle son goût pour les dynamiques chambristes, ce qui ne l’empêche pas d’y installer une dose suffisante d’entropie. Dans l’étouffant « Red Curtains », alors que la contrebasse de Hernâni Faustino (Lisbon Connection) s’échine à densifier une phrase répétitive dont le mantra évoque l’urgence, la guitare s’émiette en divers avatars. Dos Reis joue à cache-cache avec le violon, ou frappe sèchement ses cordes pour accélérer artificiellement la cadence. L’approche du guitariste n’est pas, à l’instar de certains collègues de sa génération, de faire corps avec son instrument. Ce n’est pas une prolongation du bras, qui lui donne vie. C’est au contraire un medium, un réservoir d’émotion, comme le pinceau l’est pour le peintre.

Enregistré en septembre 2015 [1] à Coimbra, House Full of Colors explore la lumière, les ondes, les spectres. Ces matières, intangibles plus qu’abstraites, qui convoient l’énergie autant qu’une forme de mysticisme, présente dans l’écume de silence qui entoure « Opacity Rings ». Le nom du quartet signifie poussière en allemand. Le nuancier, imprécis mais chamarré, qui illustre la pochette traduit la légèreté désirée par les improvisateurs. Comme les particules charriées par les rayons du soleil, le Staub Quartet est brillant et irrésolu. Belle définition pour ces insatiables musiciens.