Sur la platine

McCoy Tyner : l’étoile a filé

De McCoy Tyner, on retient d’abord son influence sur Coltrane et en retour la marque indélébile de ce dernier sur le pianiste. Je ne sais d’ailleurs s’il y eut des interviews sans qu’on l’interroge sur Trane.


Horizon - pochette

Pour le saluer en musique, deux thèmes qui donneront leur nom à deux albums : A Love Supreme et Horizon, deux univers radicalement différents et parfaitement passionnants.

Boulgakov écrivait en substance que Louis XIV n’était pas seulement la personne d’un roi, mais aussi la figure tutélaire de tout ce que la France d’alors comptait comme grands créateurs.
De même, Coltrane. Certes il fut double, mais le premier était en même temps Jimmy Garrison (qui l’a suivi jusqu’au bout), Elvin Jones tout aussi révolutionnaire et partageant avec le seul sax des moments d’une intensité très rare, et McCoy Tyner. Alors, inversement, un hommage au pianiste ne peut se faire sans ouvrir sur ce quartette de légende.
Mais c’était il y a plus de cinquante ans ! La maîtresse qui nous rendait fou a quelque peu perdu de son charme. Alors à quoi bon ! Pour la nostalgie peut-être, My Favorite Things ? Arte a d’ailleurs consacré une série d’interprétations de ce thème par des artistes d’aujourd’hui, dont la formidable Sarah Murcia.
Revenons au band de Trane. Certaines vidéos de concerts déçoivent un peu. C’était donc ça ?
Mais un « Full Album » de A Love Supreme  foudroie.

Et là, l’incandescence, la nécessité impérieuse, la subtilité des cymbales, la musicalité insistante de la contrebasse, les percussions très expressives du piano, qui déchirent l’âme, et ses guirlandes de notes qui ouvrent les entrailles d’un thème, plus la voix impériale qui nous marque encore au fer rouge. C’est un suprême amour qui se réveille, comme « un ancien volcan qu’on croyait trop vieux ». Oubliés les ans, les rides supposées. Comme l’avait dit Brel, on retourne en enfer, « ma belle Mathilde , puisque te v’là ».
On retrouvera en bas de page le lien vers ce « Full Album » pour inciter certains à s’offrir le vrai album. Ici, c’est l’INA qui régale , avec un enregistrement de 65 au festival d’Antibes. « A Love Supreme » suivi de « Resolution » et l’on retrouve un long solo de McCoy Tyner. Salut l’ami, le dernier de la bande des quatre.

Y a-t-il eu une vie pour McCoy Tyner après la dissolution de ce quartette ? Il n’a pas sombré dans les oubliettes, tant s’en faut. Il y a bien un album, très favorablement accueilli par la critique, où il revient sur les grands moments dudit 4tet : Echoes of a Friend.
Mais pourquoi ne pas passer à tout autre chose, avec Horizon. Encore un album très bien accueilli et dans un style radicalement différent. C’est la grande fête aux rythmes afro-cubains, avec des musiciens enfiévrés. On ne reste pas en place, on ne crie pas à la trahison, c’est l’entrain du Colossus de Rollins, mais sans lui. Encore une fois c’est un « Full Album » qui fait la fête (lien qu’on trouvera aussi en bas de page). De cet enregistrement, je propose « Horizon », premier thème, composé par McCoy Tyner lui-même. On y retrouve toutes les saveurs, toutes les élaborations de timbres quasi gastronomiques. Ne faisons pas patienter.

Merci l’ami