Entretien

Signe Emmeluth, la force est avec elle

La saxophoniste montante de la scène scandinave se livre dans un entretien ouvert et franc.

Photo : Sakari Puhakka

La première rencontre avec la jeune saxophoniste danoise a été un concert de son quartet Amoeba au festival de Copenhague en 2019. L’énergie de la musicienne, la force de ses compositions et la cohésion de son groupe la plaçaient sans hésitation dans la cour des grand.e.s musicien.ne.s. En effet, résidente norvégienne, Signe Emmeluth participe à de plus en plus de projets, les siens et ceux des autres, côtoie des musicien.ne.s aussi divers.e.s que renommé.e.s tels Mats Gustafsson, Angela Bat Dawid, Øyvind Skarbø, Paal Nilssen-Love, Anja Lauvdal ou John Edwards…

A peine trentenaire, elle est déjà reconnue pour son énergie musicale à l’alto - un souffle maîtrisé mais puissant -, ses idées de composition originales et sa capacité d’écoute. Le plus frappant chez cette musicienne, c’est l’originalité du son : elle possède déjà sa propre couleur musicale qui interdit toute falsification.
Si la jeunesse et la fougue sont des qualités premières et si l’assurance, l’équilibre et le sens de l’essentiel se forgent avec l’expérience, on peut alors s’attendre à un développement de carrière impressionnant, avec de nombreux projets originaux à la clé.
Encore une fois, on ne peut que tristement regretter qu’aucune scène française ne la programme et il faudra donc soit voyager, soit regarder des concerts filmés.
Aujourd’hui, elle raconte son parcours, parle de ses projets, de son univers artistique et politique. Une artiste à suivre absolument.

Signe Emmeluth © Gérard Boisnel

- Signe, vous êtes une saxophoniste danoise mais identifiée sur la scène musicale norvégienne. Quelle a été votre parcours jusqu’à présent ?

Oui, je m’identifie à la scène musicale norvégienne. J’ai quitté le Danemark il y a environ 6-7 ans et j’ai commencé à faire carrière un peu après avoir déménagé à Trondheim pour étudier la musique.
J’ai fondé mon quartet Emmeluth’s Amoeba en dernière année d’études de musique. Nous avons sorti deux albums jusqu’à présent. Je travaille actuellement à la sortie d’un album en live de notre concert au Summer Bummer Festival de l’année dernière. Nous avons joué un peu partout en Scandinavie et en Europe. Nous aurions dû aller au Canada en juin mais cela a été reporté en raison du Covid-19.

L’été où j’ai terminé l’Académie de musique était un peu comme un rêve pour moi. J’ai eu des concerts avec le quatuor Konge et j’ai joué au festival Blow Out avec Pascal Niggenkemper, John Edwards et Paal Nilssen-Love. J’ai été introduite dans cet univers incroyable dont je voulais vraiment faire partie. Et les gens qui y étaient ont manifesté de l’intérêt pour moi et m’ont accueillie, ce dont je leur suis reconnaissante.

J’ai réalisé une chose complètement différente, c’est-à-dire la composition d’une longue suite pour un sextuor, mon ensemble Spacemusic. La pièce s’intitule « IS OKAY OKAY IS CERTIFIED » et a été enregistrée et publiée en 2019. C’était très amusant et très différent de ma musique avec Amoeba.
J’ai commencé à jouer avec le Skarbø Skulekorps en 2019 - des personnalités géniales et une musique amusante. J’ai travaillé avec le Trondheim Jazz Orchestra à plusieurs reprises, c’est toujours un plaisir de travailler avec eux. Ils proposent des projets passionnants. Ce printemps, j’ai créé un nouveau quartet : Mudskipper avec Hanne De Backer (sax baryton), Paal Nilssen-Love (batterie) et Terrie Ex (guitare). C’était génial et j’espère que nous allons jouer plus à l’avenir. Attendons de voir combien de temps il faudra avant que le monde s’ouvre à nouveau aux tournées et aux voyages internationaux…
J’ai également remplacé Julie Kjaer dans Large Unit. Nous étions au Mexique à l’automne 2019 et c’était super ! Mudskipper est né de ma discussion avec Hanne, à l’aéroport après une tournée de Large Unit en Europe, sur le fait que nous voulions jouer davantage ensemble. Enfin, dernièrement, j’ai sorti un disque de mon duo Owl avec le guitariste Karl Bjorå sur Sofa Music. C’est très différent des autres choses que je fais. Plus minimaliste et orienté vers la musique contemporaine.

Signe Emmeluth © Laurent Orseau

- Racontez-moi comment le quatuor Konge a été créé ; et quelle expérience en avez-vous tiré ?

En fait, c’est Mats Gustafsson qui l’a créé. Je l’ai rencontré lors du Jyderup Accordion Træf, qui est ce formidable cours de musique que le batteur Kresten Osgood organise. Mats et moi avons discuté un peu après qu’il m’a entendue jouer lors d’une jam session. Il était ravi que je joue avec un vieux bec de sax Brilhart qu’il possède également. Il m’a demandé de lui envoyer quelques-unes de mes musiques et certains de mes projets et qu’on reste juste en contact. C’est ce que j’ai fait. Les mois suivants, nous avons discuté par e-mail, puis il m’a demandé à l’improviste si je voulais jouer dans son nouveau groupe Konge avec lui, Kresten et le contrebassiste Ole Morten Vågan.

Je voulais interagir avec les autres et je sentais que j’avais quelque chose à dire et à offrir.

J’étais complètement stupéfaite. C’étaient et ce sont toujours mes idoles - des musiciens extraordinaires : c’était vraiment irréel pour moi qu’il me propose de jouer avec eux, parce que, bien sûr, j’en avais très envie !
Nous avons joué un concert au Kongsberg Jazz Festival et un autre au Copenhagen Jazz Festival. Il est souvent plus facile de jouer avec de grands musiciens, et c’est ce que j’ai constaté avec eux. C’était vraiment amusant et, d’une certaine manière, facile.
J’étais super nerveuse à ces deux concerts et l’adrénaline montait. Mais ensuite, la musique a commencé, et je me suis sentie chez moi et en confiance. Je voulais interagir avec les autres et je sentais que j’avais quelque chose à dire et à offrir. J’avais, en quelque sorte, trouvé une assurance plus forte, un centre de gravité dans mon for intérieur que je pouvais exploiter en jouant avec eux. Cette expérience est quelque chose que j’ai conservé et utilisé par la suite et que je continue à développer car, bien sûr, elle s’échappe parfois. Mais j’espère qu’avec le temps, je pourrai travailler à me centrer sur cette gravité pendant des périodes de plus en plus longues.

- Vous avez récemment participé à trois projets différents : un disque avec votre propre quartet Amoeba, l’éclectique fanfare Skarbø Skulekorp et un projet de sextet très onirique, le Spacemusic Ensemble. Pouvez-vous nous présenter ces trois groupes, que représentent-ils pour vous ?

Amoeba est - je dirais - mon projet principal.
C’est un terrain de jeu où je peux soumettre des idées et des compositions et ensuite nous les travaillons ensemble. La musique se développe très organiquement au fil du temps dans ce groupe. Plus nous apprenons à connaître les compositions, plus nous pouvons aller librement d’une composition à l’autre. Je suis très reconnaissante de l’énergie et de la positivité que les gars du groupe apportent. C’est un vrai plaisir de travailler et de jouer avec eux.

Skarbø Skulekorps est le nouveau septette du batteur Øyvind Skarbø. Il a été créé suite à une commande du festival Nattjazz de Bergen en 2019.
Øyvind est un gars vraiment original. Il a beaucoup d’idées folles et n’a pas peur d’essayer des choses qui pourraient ne pas marcher. C’est vraiment bien d’être entourée de cette énergie curieuse et de cette attitude effrontée. La musique est très éclectique, comme vous le soulignez vous-même, et parfois j’ai presque du mal à suivre où va la musique, mais Øyvind semble toujours avoir une sorte de schéma directeur, alors je peux me détendre et je lui fais confiance.
Øyvind est aussi très demandeur d’entendre ce que nous pensons. C’est génial ! Je pense qu’il est important que les musiciens aient leur mot à dire sur la musique qu’ils jouent, surtout quand l’arrangement n’est pas toujours complètement terminé. Je trouve difficile de jouer une musique gravée dans le marbre - j’aime pouvoir la faire mienne, d’une certaine manière, même si c’est à un petit niveau.

Spacemusic Ensemble est en quelque sorte mon « Trondheim Jazz Ochestra » à moi ! C’est-à-dire un ensemble permanent qui n’a pas la même composition et qui change en fonction du type de projet pour lequel j’écris. C’est très basé sur la composition.
Jusqu’à présent, j’ai écrit deux projets pour le Spacemusic Ensemble. Les deux étaient des suites. Le premier était pour un nonette, le second pour un sextette. Le dernier est celui du disque, le premier n’a pas été enregistré.
Spacemusic Ensemble est un moyen pour moi d’expérimenter la composition pour un plus grand ensemble. Mon prochain projet est d’écrire une pièce pour septette avec beaucoup de voix. J’espère pouvoir y parvenir d’ici 2022 car en raison de la Covid-19, je vais sûrement devoir le reporter d’un an.

- Vous avez un jeu très sec, très énergique, très volubile aussi et j’ai qualifié vos compositions de « verticales ». Votre musique est faite d’éléments mélodico-rythmiques qui sont répétés, accentués, superposés et qui finissent par former un ensemble que j’appelle vertical, parce que le sujet est restreint à la composition en question, on ne se balade pas. Il y a une élévation structurelle de la narration. Êtes-vous d’accord avec cela ?

C’est cohérent. Et je suis plutôt d’accord.
Quand je compose, j’aime penser que chaque voix a quelque chose à dire. C’est presque comme si toutes les voix étaient égales. L’idée de la polyphonie et de la création d’une sorte de patchwork sonore où chaque voix est entrelacée en un ensemble a un sens pour moi. Mais je trouve aussi que ma musique - surtout avec Amoeba, est assez libre et va d’un endroit à l’autre. Un peu comme si elle parlait. Mais oui, c’est souvent à l’intérieur d’un « cadre » plus large : la composition.

Signe Emmeluth © Gérard Boisnel

Mais la façon dont nous fonctionnons en concert aujourd’hui est sans liste de morceaux préétablie, donc la musique se joue comme elle vient. Nous connaissons la musique par cœur et chacun peut lancer un thème à tout moment. J’aime l’idée que la structure à l’intérieur du groupe est plane quand on joue. Pour moi, c’est la façon ultime de travailler avec cet espace où la composition et l’improvisation se rencontrent.

- Au fait, comment composez-vous ? Dans quelles circonstances et dans quel état d’esprit ?

Le plus souvent, j’ai besoin d’avoir une sorte d’échéance pour composer. Il m’est très difficile d’écrire de la musique si je ne sais pas qui va la jouer, ou du moins pour quel type d’instrumentation je compose. Je commence souvent par une sorte de petite idée - une séquence rythmique, une couleur harmonique et puis je développe à partir de là.

la composition est une improvisation au ralenti

Souvent, l’arrangement est pour moi un élément de la composition. De petites mélodies se répondent et des motifs forment un plus grand ensemble. La plupart du temps, je commence au piano et soit j’enregistre ce que je joue et je le transcris, soit je m’assois et j’écris les choses au fur et à mesure. Le papier et le stylo à côté du piano me permettent de noter rapidement mes idées avant que je n’oublie.

Par la suite, j’utilise souvent le logiciel Sibelius pour compléter la composition. Je lance l’idée et je commence à développer l’arrangement et la plupart du temps, la composition se développe parallèlement. Parfois, j’utilise aussi mon saxophone pour trouver des pistes. Une fois, j’ai utilisé le logiciel Logic pour découper et déplacer des fichiers sonores de moi au piano pour en faire une composition, que j’ai ensuite transcrite. Pour moi, la composition est - comme l’a expliqué un jour un de mes professeurs - une improvisation au ralenti. Elle commence de manière très intuitive et devient ensuite de plus en plus consciente et intellectuelle.

Étiez-vous en confinement pendant la pandémie et si oui, qu’avez-vous fait ?

J’étais à Oslo tout le temps. Les premières semaines ou le premier mois environ ont été assez solitaires, car les directives du gouvernement étaient très strictes. J’ai beaucoup répété à la maison, ce qui est heureusement toléré par mes voisins. Sinon, j’ai utilisé mon temps pour composer un peu, regarder beaucoup de séries, lire et écouter des podcasts tout en me promenant à Oslo.
Cela a été assez bizarre, et parfois très frustrant. « Les montagnes russes », voilà, il me semble, la meilleure façon de le décrire. Mais ce n’est pas grave.
Maintenant, la société s’ouvre de plus en plus et j’ai quelques concerts en Norvège et au Danemark cet été, ce qui est EXCEPTIONNEL !

- Êtes-vous heureuse de votre vie et confiante dans l’avenir ?

Oui, je suis très heureuse de ma vie. J’ai vécu tellement d’expériences incroyables et j’ai rencontré un tas de gens charmants dans le monde entier. Je suis très reconnaissante et humble de pouvoir gagner ma vie en jouant uniquement de la musique que j’aime. L’avenir est toujours un peu effrayant à envisager.
Je dirais d’ailleurs plutôt ceci : Je suis curieuse et enthousiaste à propos de l’avenir. La confiance va et vient et c’est bien, tant qu’il y a quelque chose qui vous intrigue et qui vous donne envie de continuer à explorer l’avenir.

- Gagnez-vous de l’argent avec les disques que vous faites ?

Non, pas vraiment… C’est surtout en tournée que je vends des disques. Ça pourrait être pire, mais ça pourrait aussi être mieux. Je suis toujours très contente quand les gens m’achètent de la musique. C’est un peu irréel, mais bien sûr je suis fière des disques que j’ai faits.

Cette musique a un besoin extrêmement profond d’expression.

- Vous jouez avec Mats Gustafsson, Paal Nilssen-Love, Terrie Ex, Hanne De Backer… qui ne sont pas connus pour leurs sons et leur musique délicats et minimalistes… comment se fait-il que vous jouiez souvent une musique aussi énergique et fougueuse ? Êtes-vous en colère ? Avez-vous besoin de vous exprimer avec bruit et fureur ?

Je ne me décrirais pas comme étant en colère. Ni ma musique.
Ce n’est pas parce que la musique est forte et qu’elle crie que vous êtes en colère. Bien sûr, il y a assez de choses merdiques dans le monde pour se mettre en colère, mais ce n’est pas pour cela que je joue ainsi. Je suis une personne assez énergique, impatiente et agitée.

Signe Emmeluth © Laurent Orseau

J’aime la sensation physique dans la musique forte. Aussi bien en jouant qu’en écoutant. J’aime la sensation que procurent les fréquences fortes qui frappent mon corps. J’aime sentir l’épuisement et la sueur en jouant. Cela fait bouger quelque chose en moi. Cela me donne un sentiment d’importance et de présence.
Cette musique a un besoin extrêmement profond d’expression.
Mais tous les musiciens que vous mentionnez ci-dessus ont aussi un côté doux avec des sonorités plus subtiles. Pour moi, cette intensité sonore est une façon d’élargir le spectre dans lequel vous pouvez vous exprimer. Je souhaite aussi que les gens soient attentifs, et c’est ce qu’ils font quand on les touche avec quelque chose de fort.

- Ce qui me frappe, c’est que vous émergez sur la scène de la musique improvisée, plutôt avant-gardiste, mais que vous restez très attachée à la composition. Que ce soit pour Spacemusic Ensemble, pour Amoeba et pour le prochain projet avec des voix. Mais vous dites que la composition est une improvisation au ralenti. Comment interagissez-vous si vous composez seule ?

Je compose toujours seule. Je suppose donc que j’interagis avec moi-même. C’est la même chose quand je joue en solo.
Ce que je veux dire à propos du ralenti, c’est que lorsque vous composez, vous avez le temps d’examiner toutes les idées séparément et de les faire bouger. Voir dans quel ordre cela prend le plus de sens. Ce que vous ne pouvez pas faire en temps réel. Je trouve que la composition est très utile pour l’improvisation, même si vous n’avez pas de composition spécifique à jouer. Je pense que la composition a fait de moi une meilleure improvisatrice, car elle a renforcé mon sens de la forme et de la structure.

En parlant de voix, Rohey Taalah chante dans Spacemusic, mais nous la connaissons mieux en France dans le cadre de Gurls et de son groupe ROHEY comme une chanteuse drôle, funky et volubile. Parlez-moi de ce choix. Est-ce le genre de voix que vous voulez dans votre prochain projet ? Et qu’est-ce que ça veut dire « IS OKAY OKAY IS CERTIFIED » ?

Rohey Taalah est l’une des plus brillantes chanteuses que j’ai rencontrées et la seule avec laquelle j’ai travaillé jusqu’à présent. Elle est humble et dévouée à son travail et très disciplinée. Je veux dire par là que je peux compter sur elle pour connaître la musique à fond. Elle est très fière de son travail - ce n’est pas seulement une chanteuse, c’est aussi un véritable instrument. J’ai écrit des choses pour elle, que presque tous les autres chanteurs que je connais auraient trouvées impossibles à chanter, mais Rohey y a consacré beaucoup d’efforts et elle y est parvenue.
J’adore travailler avec elle, mais elle ne fait pas partie de mon nouveau projet, car elle est occupée par beaucoup d’autres choses.

OKAY IS CERTIFIED vient en fait d’un morceau de papier qui était sur une guitare qui traînait dans mon appartement. J’ai aimé le son que cela donnait et j’ai ajouté IS OKAY au début. La symétrie de la première partie de la phrase m’a séduit. Pour moi, elle signifie : C’est bon, et c’est bon. Peut-être que - je ne sais pas :) - j’aime créer des textes qui ont un sens ou qui sont absurdes.

Signe Emmeluth © Sakari Puhakka - www.helsinkijazz.fi

- Vous vivez en Scandinavie où l’égalité entre hommes et femmes est très affirmée (contrairement à la France par exemple) ; avez-vous vécu des situations difficiles en tant que femme musicienne ? Comment une jeune femme comme vous considère-t-elle les questions de genre dans la musique ?

Heureusement, je peux dire que je n’ai jamais vécu de situations difficiles en raison de mon genre. Mais je dis surtout que je suis lasse de parler de cela. Je suis tellement plus que mon genre !

Notre société actuelle manque fondamentalement de cette décence et de ce respect

Je pense qu’il est inutile de souligner tout le temps que « cette musicienne est une femme ». C’est une question dont on parle depuis un certain temps déjà. Si vous continuez à souligner que c’est une femme musicienne, cela ne devient jamais normal, puisque cela est toujours souligné. Vous ne dites pas que « ce musicien est un homme » !

La seule manière négative dont cela me touche, c’est que cela crée une incertitude en moi. Ai-je obtenu ce concert grâce à ce qu’il y a entre mes jambes ou grâce à mon travail acharné et à ma musique de qualité ? Est-ce qu’on m’a demandé de faire partie de cet ensemble pour jouer sur le pourcentage d’hommes et de femmes ?
Et je m’énerve vraiment quand les gens (toujours des hommes) me font remarquer que je n’ai obtenu ce concert ou autre que parce que je suis une musicienne.
Je trouve cela tout à fait irrespectueux, car cela déprécie tout mon travail.
Mais je dois vraiment veiller à ne pas rester dans cette logique, car ce n’est pas du tout constructif. Cela me pousse à me remettre en question et à remettre en cause tout ce que j’ai fait jusqu’à présent.

Pour moi, toute la question du genre et de la discrimination en général se résume au fait qu’il doit y avoir une décence et un respect mutuel, quelle que soit la couleur, la race, le sexe, la religion, l’orientation sexuelle, etc. Notre société actuelle manque fondamentalement de cette décence et de ce respect. L’histoire du patriarcat qui a sapé tout ce qui n’était pas « Homme Blanc » est encore très présente dans la société et il y a beaucoup à faire et à dire à ce sujet.