Chronique

Petit/Berman/Stein/Perraud

The Way Through

Didier Petit (cello), Josh Berman (flh), Jason Stein (cla), Edward Perraud (dms)

Label / Distribution : The Bridge Sessions

The Way Through se range d’abord sous un texte de Novalis. Le romantique allemand, éphémère poète et mathématicien, est utilisé dans les notes de pochette : une phrase en ressort, qui définit mieux que tout la musique proposée par ce quartet bâti pour The Bridge, l’expérience transatlantique qui favorise les rencontres entre Chicago et la France. « Une folie communautaire cesse d’être une folie et devient magie » : c’est ce qui anime depuis toujours la paire française constituée du violoncelle de Didier Petit et la batterie d’Edward Perraud. C’est une démarche que l’on retrouvait déjà dans leur Anthropique avec Lucia Recio. En rencontrant le cornettiste Josh Berman et le clarinettiste Jason Stein, ils ne pouvaient que prolonger cette magie, cette maîtrise des éléments que l’on entend dans le dernier tiers de « In », lorsque batterie et clarinette basse trament un dense filet dans lequel le cornet se débat. Quant à Didier Petit, il psalmodie sur son insatiable archet comme pour invoquer quelque divinité païenne. Nous sommes dans un entre-deux, des limbes soudainement agités.

Jason Stein, que l’on a pu entendre dans l’octet de Jason Roebke mais qui côtoie surtout le Josh Bernman de Fly or Die au sein de son Gang, est d’ailleurs un formidable agitateur. Dans « Through », où les musiciens tournent autour de la voix de Petit et d’une cloche de Perraud comme une obsession, la clarinette basse est une sorte de passeur, dont le timbre fait la jonction entre le violoncelle et le cornet comme pour donner le sentiment que l’instrumentarium particulier de l’orchestre agit comme une voix unique, pleine de tension.

Enregistré en 2018, ce disque est une exploration, une recherche commune entre des musiciens qui prônent une grande ouverture. Il y a de la colère parfois, et une noirceur saisissante, notamment lorsque Didier Petit joue en pizzicati pour mieux dompter un Berman insaisissable, à l’image de ce qu’on avait pu entendre de lui dans le Bererberg trio, finalement dans une configuration presque identique, avec Lonberg-Holm au violoncelle. The Way Through est un disque de passeurs, une improvisation radicale et joyeuse qui semble ne jamais devoir se tarir.

par Franpi Barriaux // Publié le 12 septembre 2021
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