Chronique

Erlend Apneseth Trio

Det Andre Rommet

Erlend Apneseth (Hardanger fiddle), Stephan Meidell (elg, electronics), Øyvind Hegg-Lunde (d)

Label / Distribution : Hubro

Sorti en 2016, ce premier album a propulsé Erlend Apneseth trio sur le devant de la scène jazz contemporaine norvégienne. Il est mené par le jeune joueur de violon Hardanger, associé à la musique folk norvégienne issue de la région du même nom. Il s’est rapproché de deux aînés, qui avaient déjà participé à son précédent album solo Blikkspor : le guitariste Stephan Meidell, connu pour ses recherches sonores notamment avec son groupe Metrics, et le percussionniste Øyvind Hegg-Lunde, très présent sur la scène européenne.

Les groupes intégrant ce violon dans leurs compositions sont nombreux en Norvège, au risque d’associer le timbre de l’instrument au cliché carte postale. Alors, au lieu de révolutionner un genre, le trio se « contente » d’en changer les couleurs.

Si les distinctions et prix ne garantissent pas forcément la qualité d’un disque, reconnaissons qu’elles sont une source de fierté, quand d’autres regards rejoignent le nôtre. Pour ma part, ce disque est un album de chevet depuis sa sortie. Savoir qu’il a été nominé pour le Spellemannsprisen (Grammy norvégien) et distingué d’un Norwegian Folk Award, pousse à présenter ce premier disque non comme un coup de cœur, mais comme un coup de maître. Det Andre Rommet (The Other Room / L’Autre pièce) n’est pas un tâtonnement vers un nouveau territoire. Il est la démonstration de ce qu’un trio arrivé à maturité, fût-elle précoce, doit exprimer sans attendre.

Le rôle de chaque musicien est incroyablement juste et complémentaire. Avec son sens de la narration, de l’Histoire (le son de la tradition), la quête de la dramaturgie voire du lyrisme (le titre « Magma » et son dénouement wagnérien) et la reconnaissance envers ceux qui l’ont aidé (la ville de Jølster, ou encore le poète Erlend O. Nødtvedt, qui a inspiré « Trollsuiten », le premier titre), Erlend Apneseth ne tombe jamais dans la démonstration vaine et nous submerge d’émotions douces. La tension colorée, la transe pensée du batteur Øyvind Hegg-Lunde sont garantes de la structure du disque. Bien qu’elle nous fasse voyager loin, l’écriture nous ramène sans cesse sur le chemin. Procédés électroacoustiques, drones, guitare et basse « préparées », expérimentations sonores issues de la scène noise qu’il côtoie, sons d’objets du quotidien, Stephan Meidell a toute latitude pour s’en donner à cœur joie (« Nattkatt »).

Enfin, le soin laissé dans le mixage à l’espace et à la résonance du son des instruments, l’écoute respectueuse entre trois musiciens qui s’admirent et se mirent, créent des plages d’improvisation d’une grande pureté. Simplement grand.

par Anne Yven // Publié le 3 novembre 2019
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