Tribune

Gilles Coronado : enquête d’opinion

Deux questions sur Gilles Coronado à trois musiciens.


Gilles Coronado, photo Christophe Charpenel

Pour compléter l’entretien que nous a accordé Gilles Coronado, nous sommes allés interroger trois de ses partenaires de jeu.

Sylvain Cathala, Matthieu Metzger, Sarah Murcia ont bien voulu répondre à deux questions : depuis quand connaissez-vous Gilles Coronado ? ça fait quoi de jouer avec lui ?

En creux se dessine le portrait d’un musicien estimé de ses pairs.

Sylvain Cathala, photo Laurent Poiget

Sylvain Cathala

Je pense que j’ai rencontré Gilles à l’époque de la Moskova à la fin des années 90. La connexion s’était effectuée par l’intermédiaire de Franck Vaillant et de Stéphane Payen qui lui avait demandé de le rejoindre sur l’aventure Thôt. Je suivais également le maximum de concerts de son groupe Urban Mood, notamment aux Instants Chavirés. Par la suite, j’ai invité Gilles dans l’octet de Print à la fin des années 2000, puis dans mon septet vers 2018-19.

Gilles est un excellent musicien ; il est polyvalent, toujours dans le son et au service de la musique. Son sérieux et son exigence tirent vers le haut. Il a un placement et un son personnels, que j’adore.


Matthieu Metzger, photo Christophe Charpenel

Matthieu Metzger

La première fois que j’ai rencontré Gilles, ce devait être en 2008, avec le quintet de Louis Sclavis. Nous étions logiquement six. Il y avait dû avoir un imbroglio d’agenda. Gilles avait été appelé pour remplacer Maxime Delpierre et Maxime était disponible aussi. Plutôt que de remercier un musicien, Louis a eu la judicieuse idée de garder les deux. Ce fut une belle leçon de métier et un très bon souvenir musical de ce qui devait être mon second concert avec ce quintet.

Peu après, nous nous sommes retrouvés quelques jours colocataires à Montpellier, par le biais de Louis Sclavis toujours et pour le spectacle Les Signes extérieurs de Mathilde Monnier, créé au festival de la Villette. Nous étions mobiles sur le plateau avec les remarquables I-Fang Lin, Mathilde Monnier et Loïc Touzé à la danse, avec quelques parties gestuelles tirées de scènes de cinéma à exécuter. Là encore, ce fut une expérience marquante, ce qui est de bon augure pour faire connaissance.

Ce qui marque avec Gilles, c’est qu’il a un son et un véritable engagement dans son jeu, parfois rock, fougueux, un timbre généreux et personnel. Mince, j’ai l’impression d’entendre une pub pour vendre des pédales de guitare ! Pourtant il me semble qu’il va justement à l’économie en termes de matériel, et que le son et la musique viennent vraiment du bonhomme. Ça met beaucoup en confiance, c’est agréable et primordial pour jouer ensemble.

Ce beau son permet aux moments calmes de sa musique de sonner avec la poésie nécessaire. Et la confiance est bien utile quand arrivent les partitions retorses… J’entends par là qu’il peut écrire une musique complexe harmoniquement et mélodiquement, très architecturée, pleine d’arcanes et de passages secrets à volonté, qu’il maîtrise et dans laquelle l’ambition est de s’amuser comme des enfants dans un labyrinthe. Là où d’autres pourraient angoisser de ne pas trouver la sortie. Bon, je m’y suis perdu un paquet de fois en tentant de m’amuser : je te remercie, Gilles, de jamais ne m’en avoir tenu rigueur !


Sarah Murcia, photo Christophe Charpenel

Sarah Murcia

Je travaille avec Gilles Coronado depuis plus de 25 ans. Il fait partie de mon orchestre Caroline (avec Franck Vaillant et Olivier Py) ainsi que de nombreux projets au fil des années (collaborations avec Paul Ouazan et l’atelier de recherche d’Arte, avec Fred Poulet). Plus récemment, il participe à mes deux derniers spectacles, Never Mind the Future et My Mother is a Fish, avec Caroline, Benoît Delbecq et Mark Tompkins.

Gilles, c’est un peu mon guitariste préféré… C’est un musicien extrêmement aventureux et toujours très fiable : il est très consciencieux, travaille toujours la musique que je lui propose, et s’applique à la déconstruire avec beaucoup de grâce. Il est une véritable force de proposition. Ce que j’aime le plus chez lui, c’est son côté « border-line ». Il est capable de s’abandonner à ce qu’il joue, de perdre le contrôle pendant quelques instants ; son langage se situe entre le confort et le danger.

De plus, c’est un musicien incorruptible, son ego n’est pas du tout mal placé. Je veux dire par là qu’il est toujours au service de la musique, pas toujours la plus facile, où la performance personnelle n’a pas vraiment sa place.