Chronique

Hank Roberts

Everything Is Alive

Hank Roberts (cello, voc, Jazzaphone Fiddle), Bill Frisell (g), Jerome Harris (g, b, voc), Kenny Wollesen (dms, perc)

Label / Distribution : Winter & Winter/Harmonia Mundi

Hank Roberts partage avec Bill Frisell un goût certain pour les musiques de l’Amérique profonde. Bien qu’étant tous deux d’actifs représentants de la scène avant-gardiste new-yorkaise, ils reviennent toujours à ces amours rurales en cherchant le moyen de faire cohabiter deux mondes que tout semble séparer, ces musiques étant fondamentalement antinomiques. Si les folklores nord-américains (blues, country, cajun…) sont toujours d’une grande simplicité structurelle, les musiques improvisées par les musiciens de jazz ne cessent de casser ces formes, de s’en affranchir pour agrandir l’espace. Pourtant, en intégrant dans leur jeu les couleurs des unes et le raffinement des autres, violoncelliste et guitariste ont, au fil du temps, réussi à trouver un équilibre intéressant qui leur permet de développer une identité musicale unique tout en restant à la croisée des chemins, pour mieux basculer, à l’envi, d’un côté ou de l’autre.

Leur association est donc logique ; d’ailleurs, elle ne date pas d’hier puisqu’ils jouent ensemble depuis le milieu des années 70, surtout sur les disques de Frisell, qui a souvent fait appel aux talents de conteur de Roberts, individuellement ou via l’Arcado String Trio qu’il forme avec Mark Feldman et Mark Dresser. Leur dernière collaboration remonte à 2010 avec le bel album Sign Of Life (Frisell), dont on a dit le plus grand bien dans ces colonnes.

On retrouve aujourd’hui ces musiciens passionnants accompagnés de Jerome Harris et Kenny Wollesen, autour de compositions de Roberts enregistrées en live - sur deux pistes afin de donner à l’ensemble une spontanéité et une sensibilité particulières. Ce qui ne manque pas d’arriver, puisqu’au détour de thèmes attachants, l’émotion se fait sentir… avec plus ou moins de force, cependant. La juste répartition des influences et les discours maîtrisés font leur œuvre, mais le disque souffre parfois d’une écriture inégale. Si l’introduction lancinante de « Cayuga », le mélange d’ambiances sombres, mélancoliques et chaleureuses du frugal « Necklace », la texture granuleuse du violoncelle joué à l’archet sur une toile de fond rock délicieusement sucrée (« JB ») ou le thème obsédant d’« Easy’s Pocket » sont d’excellentes raisons de se pencher sur ce disque, certains thèmes moins heureux (« Crew Cut » ou « Open Gate »), ternissent un peu le tableau. D’autant que les unissons violoncelle/guitare, quasi systématiques, finissent par atténuer le potentiel effet de surprise de chaque titre. Reste, au-delà de ces réserves, un album original peu avare en beaux moments. Et l’objet, comme de coutume chez Winter&Winter, est tout simplement magnifique, d’un jaune lumineux qui met en valeur une toile de Yuko Takatsudo créée spécialement pour le disque.