Chronique

Ivo Perelman trio

String 3

Ivo Perelman (ts), Mat Maneri (vla), Nate Wooley (tp)

Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra

Ivo Perelman (ts) publie, avec Mat Maneri (vla), une série d’albums du nom de Strings, en compagnie d’invités. Pour Strings 1, Jason Kao Hwang et Mark Feldman (vln) les accompagnent. Sur Strings 2, il s’agit de Ned Rothenberg (bcl) et Hank Roberts (cello). Sur Strings 3 et 4, Nate Wooley (tp) est invité, en compagnie de Matthew Shipp pour le 4. Selon AllMusic, c’est un total de sept albums qui est prévu. Sur chacun d’eux, les pièces ne portent pas d’autre nom que Pt1, 2 …
Si le s de Strings trouve parfois sa justification, ce n’est pas le cas pour le volume 3. Peut-être que ce titre générique a pour seule fonction de faire « jazzer ».
Ici, les trois instruments nous offrent une composition des matières sonores des plus saisissantes par leur grain, par leur complémentarité, par la manière d’assembler les saveurs qui fait penser à la cuisine des grands chefs. Dès les premières notes de Pt1, Mat Maneri en solo fait résonner les fibres du bois, fait vibrer l’archet sur les cordes, délivrant comme des notes qui frissonnent, et la mise en espace du son est une réussite. Lorsqu’Ivo Perelman intervient, c’est en s’insinuant presque dans les résonances des cordes, alors que Nate Wooley va d’emblée commencer de fouiller les tréfonds du métal de sa trompette bouchée. S’amorce ensuite une composition à trois où les segments s’emboîtent, s’irisent. Puis vers le milieu de la pièce, les discours s’emballent, formant comme un essaim aux trajectoires multiples, imprédictibles, celles de Nate Wooley semblant vouloir s’écarter parfois de celles des deux autres.
Sur Pt 2, Ivo Perelman fouille les souffles, les plaintes, les antres de la folie ; Mat Maneri choisit des segments comme suspendus ou des bourdonnements énervés, alors que Nate Wooley évolue dans une sorte de stase sourde et sereine.

Chaque pièce est ainsi l’occasion de nouveaux chants aux limites instrumentales, mais en conservant un certain attachement à des semblants de lignes mélodiques, à des bribes de répétitions, en évitant de basculer dans l’abstraction sonore. Ce jeu aux limites séduit ceux qui ne rêvent que d’aventures tout comme ceux qui ont besoin d’être de temps à autre en terre de connaissance. Et le collectif fonctionne à merveille, donnant une belle intensité aux spectres sonores du groupe, à l’expression des sensibilités.

Peut-être est-ce à partir de Pt 6 que ces sensibilités, ce lyrisme, que ces granulations sonores s’épanouissent encore plus largement. Un geyser ininterrompu de gemmes musicales. Une mention particulière pour Pt 9.
Cette seconde moitié de l’album est proprement diabolique.

Le trio nous offre une sorte de classicisme du futur, tout de maîtrise, qui fait émerger par moments des transfigurations du passé. Un album véritablement ensorcelant.

par Guy Sitruk // Publié le 19 janvier 2020
P.-S. :

Tout les titres de cet album sont sur la chaîne YouTube de Ivo Perelman sous forme de playlist vidéo

Pt 9