Chronique

Karl Berger & Kirk Knuffke

Heart is a Melody

Karl Berger (cla, vib), Kirk Knuffke (cnt), Jay Anderson (b), Matt Wilson (dms)

Label / Distribution : Stunt Records

Parmi les musiciens importants pour le cornetiste Kirk Knuffke, il y a indubitablement Karl Berger [1], avec qui il enregistra Moon en duo en 2015. Le pianiste et vibraphoniste allemand, installé aux Etats-Unis depuis de nombreuses décennies, n’est pas seulement l’un des vétérans du jazz actuel (il est né en 1935) et l’un de ceux qui ont défini le son du vibraphone moderne ; il est aussi le compagnon de route historique d’une trinité à laquelle Knuffke se réfère souvent : Ornette Coleman, Steve Lacy et surtout Don Cherry. Avec le premier, Berger a fondé le Creative Music Studio à Woodstock, qui attira Braxton ou Dave Holland. Avec le dernier, il a parcouru l’Europe avec le projet Multi Kulti. Avec Knuffke, il présente Heart is a Melody, quartet où l’on retrouve le contrebassiste Jay Anderson, avec qui le cornetiste enregistra par le passé un Cherryco dédié au maître. Jolie boucle, d’autant que le présent disque s’ouvre sur « Ganesh », morceau de Cherry où Berger joue du Rhodes.

Il ne faut cependant pas imaginer que le disque paru chez Stunt Records est simplement un disque d’hommage. Certes, le titre de l’album est tiré d’un morceau de Pharoah Sanders où le jeu très clair de Knuffke semble fusionner avec le vibraphone si pur de Berger, le tout porté avec fougue par une base rythmique impeccable où la batterie de Matt Wilson prend une large part. Dans « Gentle Giant », écrit par le cornettiste, après une ouverture d’une grande douceur par la contrebasse d’Anderson, Berger et Knuffke dialoguent avec une grande simplicité. C’est le secret et la motivation de cet album : jouer de façon très directe, avec beaucoup d’envie et de cohésion, et le charme indéfinissable du vibraphone. Une recette que l’on retrouve dans « Going Out », morceau très court de Berger qui va à l’essentiel, dans une esthétique très colemanienne.

Car Ornette Coleman est tout de même la grande affaire de Karl Berger. Un morceau lui est d’ailleurs dédié, à la fois central et très représentatif de ce que le quartet souhaite ici. Dans « Ornette », Matt Wilson est un axe solide autour duquel vibraphone et cornet jouent en toute liberté. Karl Berger y est d’une verve rare, très joueuse, avec cette légèreté que les musiciens de son envergure peuvent s’offrir. Il est intéressant de constater qu’en quelques mois, des musiciens comme Kirk Knuffke ou le contrebassiste Max Johnson (très intéressant Sketches paru cet été) remettent en avant le pianiste et vibraphoniste à qui la Creative Music doit décidément beaucoup. Un disque à découvrir sans attendre.