Sur la platine

Remember Cartel Carnage

Le chef d’orchestre faisait saigner les tympans


Nouveau directeur de l’Orchestre National de Jazz, Frédéric Maurin a jusque tout récemment dirigé le big band Ping Machine. À travers une discographie qui compte cinq disques, il y fait valoir son talent à base de compositions orchestrales habilement écrites et aux arrangements raffinés. Pourtant sous les habits du chef d’orchestre se cache également un guitariste ensauvagé, particulièrement redoutable dans une formation qui trouve son acte de naissance en 2009. Cartel Carnage, sans surprise, préfère trancher dans le vif du son et aime, de préférence, faire saigner les tympans.

Fondée donc en 2009 et active jusqu’en 2014, Cartel Carnage est à l’initiative du bassiste électrique Alex Tomaszewski. Partenaire de Frédéric Maurin dans le duo électro-acousmatique Tred Anor, il affiche, dans ce cartel qui est d’abord un trio, une musique à la croisée du jazz le plus free et du metal le plus extrême. Eric Dambrin tient la batterie (on le retrouve aujourd’hui dans le groupe Antirubber Brain Factory) sur les deux disques qui en témoignent, accessibles sur Bandcamp.

Straight No Chaser est paru en 2009. Comme son titre l’indique, c’est un clin d’œil ironique à une forme de jazz axée sur un patrimoine de standards. En choisissant une composition de Thelonious Monk (dont le titre annonce un whisky servi sans escorte : sec, comme un coup de trique), on peut logiquement s’attendre, pourtant, à tous les détournements. Pas de jazz en effet ici, mais des pièces brèves qui rappellent les premiers disques de Napalm Death. Une tension qui monte soudainement pour exploser dans une saturation hyper-violente. Des pistes plus longues où le travail sur la texture sonore est privilégié sont, par ailleurs, lacérées de riffs puissants. Aisément rangeables sous l’étiquette free metal, elles trouveront leur véritable aboutissement dans le disque suivant.

Incorporated est sorti en 2012. Le trio s’est élargi en quintet avec l’arrivée de Sylvain Cathala au saxophone et Sylvain Bardiau à la trompette. En augmentant son line-up, la formation s’oblige à plus de rigueur formelle et gagne ainsi en efficacité.

Cette fois-ci mieux inscrite dans une forme de jazz contemporain, elle accorde plus de place au jeu des instrumentistes et à une forme d’interplay. Opposant chœur de soufflants contre rythmique massive, elle n’hésite pas à travailler sur les ruptures de ton et de tempo dans une approche qui évoque la constellation Zorn des années 90 (citons Naked City, Mr. Bungle, Fantomas). A savoir un metal technique à base de hurlements et de zapping effréné qui entraîne l’auditeur dans un maelstrom sonore dont il sort groggy mais comblé.

La guitare de Frédéric Maurin vient bien évidemment constituer le béton armé de cette formation dont on espère retrouver un peu de l’agressivité dans la prochaine mouture de l’ONJ.