

Brandon Lopez
Nada Sagrada
Brandon Lopez (b), Zeena Parkins (hp), Mat Maneri (vla), Cecilia Lopez (elec), DoYeon Kim (gayageum), Gerald Cleaver, Tom Rainey (d)
Label / Distribution : Relative Pitch
C’est à une orgie de cordes que nous convie le discret contrebassiste Brandon Lopez. Pas une de ces débauches outrancières qui en met partout comme les années 70 nous y ont habitués, muscles saillants et crinière crêpée, mais un vrai festin en nombre et en quantité, jouant très serré et tous ensemble dans des strates créatives et des gourmandises d’une électronique proposée par Cecilia Lopez, qu’on avait entendue avec Camila Nebbia. Une esthétique plus ombragée et proche de la musique contemporaine qui sied à merveille au contrebassiste, très à l’aise dans ce registre à l’archet, lui qui a travaillé avec Guillermo Gregorio. Le résultat est saisissant, étrange souvent, notamment quand se mêle à ce flux dense la harpe électrique de Zeena Parkins, toujours partante pour ce genre de climat.
Nada Sagrada affiche la couleur. En une pièce unique, une demi-heure de dialogue et de chevauchement où les pizzicati de Mat Maneri à l’alto se mêlent à une rythmique impalpable assurée par deux batteries. Et pas des moindres : Gerald Cleaver et Tom Rainey qui soulignent et rehaussent ces échanges abstraits déchirés par l’électricité de Parkins et les subites explosions de Cecilia Lopez. Dans ces remous, la contrebasse de Brandon Lopez est dans son rôle préféré, celui qui règle les flux et donne de l’épaisseur au trait, accompagne les soudaines colères de la harpe et les divergences de l’électronique. Parfois, dans la masse, c’est l’alto qui s’échappe avec légèreté du jeu fusionnel des deux batteurs que la contrebasse invite à un travail souterrain, tellurique, qui force chacun à déchirer la chape de plomb de la masse orchestrale. Il ne faut pas penser que tout soit dureté dans Nada Sagrada ; rien n’est sacré, c’est vrai, mais tout est incarné : le jeu de DoYeon Kim au gayageum, cet instrument coréen que nous avions découvert avec la musicienne dans Spider Season, travaille les détails et les jeux de miroirs avec la contrebasse. Un exercice courant, entendu dans leur duo Syzygy.
Il y a, dans Nada Sagrada, des couleurs cosmiques que l’on retrouve d’habitude dans les orchestres de Rob Mazurek. C’est le rôle sans doute des deux batteries, mais aussi cette capacité unique à créer de l’entropie. Paru sur le label Relative Pitch, ce disque de Brandon Lopez est une épiphanie qui nous fait découvrir un grand meneur d’une troupe aux airs d’all-star sans clinquant. Une définition qui va à merveille à un contrebassiste dont nous attendions le disque de référence. Le voici.