Sur la platine

ILK, la musique avant tout

ILK Music est un collectif de musicien.ne.s danois.e.s rassemblé.e.s autour d’une maison de disques.


Difficile de parler du jazz danois sans évoquer ILK. Cette maison de disques fonctionne sur le modèle collectif de la prise de décision collégiale, entre musicien.ne.s pour les musicien.ne.s.
En effet, ILK (qui veut dire Independant Label Københaven - Label indépendant de Copenhague) fonctionne avec une vingtaine d’artistes membres qui s’appuient sur la structure pour éditer et diffuser leurs musiques.
Reconnu internationalement, le collectif est aussi à l’origine d’un festival annuel, sous l’égide du CPH Jazz Festival, les « ILK Sessions at 5e » qui viennent de fêter leur 10e édition en 2021.

Embarquons pour un petit tour d’horizon des récentes sorties du label et surtout de ses emblématiques personnalités.

Le pianiste Jakob Anderskov est un pilier du label. Fin improvisateur, compositeur et libérateur absolu du clavier, il propose de nombreux enregistrements dont ce Full Circle.
Entouré d’une équipe principalement danoise : Laura Toxværd (as), Nils Bo Davidsen (b), Kasper Tranberg (tr, fgh), Mads Hyhne (trb) et le batteur Tom Rainey, Anderskov est au Wurlitzer, un clavier branché qui lui permet de nouvelles audaces.


À la tête d’un orchestre de clarinettes, flûtes, cordes et batterie qu’il dirige, Jakob Anderskov a composé quatre pièces en B : « Birds », « Bees », « Bats » et « Bugs » pour ce Spirit of the Hive qui est sorti, comme c’est souvent le cas chez ILK, en différents formats dont le vinyle.

A l’instar d’Anima de Wajdi Mouawad, le compositeur s’imagine dans la peau de ces quatre espèces pour appréhender - tenter de - leur monde. Une œuvre qui oscille entre Stravinsky et quelques polyphonies banda-linda, une belle surprise.


En compagnie de musiciens allemands, on retrouve le pianiste dans le groupe Fosterchilds et le dernier disque Dear Earthling. Bien plus classique dans la forme, il ne bride en rien la fougue du pianiste qui signe là encore quatre compositions sur les dix.


Enfin, dernier exemple, c’est avec le trio ZAV que le pianiste signe Ecstatic Embrace, un concert enregistré lors du festival de Copenhague en 2019. Une musique aérienne et sans filet en compagnie de Jesper Zeuthen au saxophone et Anders Vestergaard à la batterie.


Autre résident permanent du label, le guitariste Mark Solborg, inventif et déterminé. Parmi les disques récents ou notables, citons Omdrejninger, un double vinyle + clé USB qui restitue une expérience assez spectaculaire de spatialisation instrumentale et de création électronique. La vidéo (qui est sur la clé USB) permet de s’en rendre compte. L’équipe est constituée de Axel Dörner (tr), Ingar Zach (perc), Jakob Kullberg (cello), Michael Rexen (voc), Mark Solborg (g) et Christian Skjødt, le maître de l’espace.


On retrouve encore le guitariste sur plusieurs projets, comme avec le saxophoniste Evan Parker, en 2013, sur The Trees en compagnie du bassiste Mats Eilertsen, du batteur Peter Bruun et du trompettiste Herb Robertson. Plus tard, Mark Solborg s’envole pour l’Italie avec ce trio qui signe Foil, une nouvelle collaboration avec le pianiste Emanuele Maniscalco et le ténor-clarinettiste Francesco Bigoni. Un orchestre de chambre à toute épreuve.


A noter également, le trio avec Mark Solborg, Anders Banke (ténor sax et clarinette basse) et Bjørn Heebøll à la batterie qui sort l’année dernière le très beau Angels, une suite de thèmes composés et de standards délicats jouée dans une disposition très équilibrée. Enfin, le guitariste se lance dans une série de trois parties, Tungemål, autour de la guitare comme voix interactive moderne. La première à la guitare électrique pour des soli inspirés. La seconde avec Lars Greve (clar & sax), Simon Toldam (p) et Francesco Bigoni (tsax & clar) pour une étude sur les modes interactionnels dans la conversation musicale et la troisième et dernière partie enregistrée en concert à la Koncertkirke de Copenhague, lors du festival 2019 (lire le compte rendu du concert) avec Susana Santos Silva à la trompette, Lars Greve aux anches et la légende Paul Lovens aux percussions et la batterie. Une série également illustrée par un livre.


Bien entendu, il y a de nombreux autres disques et artistes emblématiques du label, que l’on retrouve par ailleurs au fil de nos articles (comme Laura Toxværd) On termine donc ce petit tour d’horizon par une relecture en trio de pièces composées pour orchestres : c’est Positioner / Positions, signé par le contrebassiste danois et berlinois Jonas Westergaard, très sollicité par ailleurs (notamment dans le trio avec Christian Lillinger et Christopher Dell). Ici, le contrebassiste et compositeur est en excellente compagnie puisque c’est Peter Bruun qui assure la batterie et Søren Kjærgaard qui est au piano. Trois pointures pour une écriture exigeante.