Chronique

Adam O’Farrill

For These Streets

Adam O’Farrill (tp), Mary Halvorson (g), Patricia Brennan (vib), David Leon (as, fl), Kevin Sun (ts), Kalun Leung (tb), Tyrone Allen II (b), Tomas Fujiwara (d)

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Quelques mois après un premier album, Hueso en quartet, qui soulignait déjà un très beau sens de l’écriture pour orchestre, le trompettiste Adam O’Farrill passe la vitesse supérieure avec un projet ambitieux et une musique à l’avenant, entouré d’une partie de l’Amaryllis de Mary Halvorson, à commencer par la guitariste elle-même. Pour ce For These Streets, il s’entoure donc des percussions efficaces et très disertes de Patricia Brennan et Tomas Fujiwara. C’est avec Halvorson que O’Farrill s’est fait un prénom dans sa grande famille de musiciens, et les premiers instants de « Swimmers » ou le remarquable « Streets » sont des échanges privilégiés avec la guitariste ; on l’avait vu, l’alchimie est forte entre eux, et l’octet entier est tourné vers cette relation qui traverse l’album, même si le rôle des soufflants, et notamment de Kalun Leung au trombone ou David Leon à la flûte et à l’alto, offre toutes sortes de tangentes qui servent un propos foisonnant.

En écrivant For These Streets, O’Farrill a pensé aux années 30 ; ne pas y voir quelconque allusion aux plats repassés par Trump et sa coterie, mais davantage au foisonnement des arts à cette époque bénie de la littérature américaine et de la musique écrite occidentale. On croise Stravinsky et Messiaen au détour de « Migration », où la contrebasse de Tyrone Allen II fait merveille, tel qu’on l’avait découvert chez Joy Guidry. C’est lui qui structure un propos d’une rare élégance, notamment sur « The Break Had Not Come » où son échange avec Patricia Brennan et Mary Halvorson est empreint de nostalgie, qui cadre avec de longues errances dignes de Steinbeck. Adam O’Farrill sait agencer ses climats pour nous mettre en condition ; on traverse cet album avec toutes sortes d’images suggérées par autant de contrepoints dans lesquelles la trompette s’immisce, comme une mécanique de précision épatante. Ainsi « Rose », sans doute le point culminant de l’album, est une fresque chaleureuse où le ténor de Kevin Sun fabrique toutes sortes de chemins pour donner à l’octet une profondeur inédite.

Paru sur le label Out Of Your Head Records comme une évidence, For These Streets est un disque qui place définitivement Adam O’Farrill parmi les musiciens qui comptent outre-Atlantique, et pas seulement pour son rôle de sideman de luxe, mais aussi pour une écriture riche et très raffinée. Bien servi par un orchestre épatant, ce disque est de ceux qui peinent à quitter la platine, tant on découvre toujours de nouvelles choses à chaque écoute.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 mai 2025
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